Hocine Malti compare les effets de l’exploitation du gaz de schiste à ceux des essais nucléaires

Après avoir défrayé la chronique médiatique à plusieurs reprises avec, notamment, l’interpellation du premier responsable du DRS, le général Mohamed Mediene dit Toufik, à propos des scandaleux dossiers de corruption liés à Sonatrach qui sommeillent dans les casiers de la justice, Hocine Malti, l’ancien vice-président de Sonatrach, affirme être totalement opposé à l’extraction du gaz de schiste. C’est à travers une très longue lettre adressée en même temps au président de la République et au peuple algérien que l’ancien numéro deux de la compagnie nationale d’hydrocarbures explique les raisons de son opposition à l’exploitation de ce carburant non conventionnel objet d’âpres débats et polémiques à travers le monde. «Algériens, indignez-vous !» est d’abord un réquisitoire contre la décision prise par le chef de l’Etat d’autoriser l’extraction du gaz de schiste sans avoir au préalable consulté ni le peuple algérien souverain ni une quelconque représentation de la population. Mais, avant cela, l’auteur d’Histoire secrète du pétrole algérien fait œuvre de pédagogie, en expliquant longuement ce qu’est le gaz de schiste, ses méthodes d’extraction, l’impact sur l’environnement, sa rentabilité, etc. Une manière pour cet expert international de participer activement et utilement au débat sur un sujet brûlant, qui engage l’avenir de territoires entiers du pays. Il s’adresse dans un premier temps au président Bouteflika.
Vous aurez semé la mort…
«Vous venez d’autoriser l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire de notre pays à tous, l’Algérie. Nous avez-vous consultés, nous les citoyens, avant de prendre une décision aussi grave ? Avez-vous, ne serait-ce que pour la forme, consulté la représentation nationale ?» Hocine Malti conteste donc au chef de l’Etat toute légitimité à décider, tout en se permettant de douter de ses connaissances dans ce domaine. «Savez-vous ce qu’est le gaz de schiste, Monsieur le Président ? Savez-vous comment l’on procède pour extraire ce gaz de la roche qui le contient ? Savez-vous quels sont les dangers encourus lors de l’extraction ? Savez-vous de quelles réserves l’Algérie dispose-t-elle ? Savez-vous qu’elles seront les retombées financières sur le pays, une fois l’exploitation entamée ? Savez-vous quelles décisions ont été prises en la matière par d’autres pays censés disposer de réserves importantes de cette ressource ?» Hocine Malti s’étale ensuite longuement sur le sujet, en expliquant point par point tout ce qui touche au gaz de schiste, tout en s’attardant sur le coût et l’impact environnemental de son extraction. Mais, au final, l’expert met Bouteflika devant ses responsabilités en tant que chef de l’Etat, mettant sur le même pied d’égalité la décision de ce dernier d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste et les essais nucléaires de la France coloniale dans le Sud algérien. «Je dois donc vous dire, Monsieur le Président, que si vous maintenez votre décision, l’Histoire retiendra que vous aurez semé la mort pour plusieurs décennies dans toutes les zones sur lesquelles auront travaillé les compagnies que votre gouvernement aura agréées ; et que vous aurez traité votre peuple de la même manière que l’a traité la puissance colonisatrice dans les années 1960, en procédant à des essais nucléaires au Sahara.» «Et ce n’est pas tout», insiste Hocine Malti. «L’eau polluée par les composants chimiques qu’elle contient, injectée sous très haute pression, pénétrera à travers les fractures qu’elle aura créées dans d’autres couches plus perméables et plus poreuses, puis migrera probablement vers les trois grandes zones aquifères présentes dans le sous-sol saharien, dont la couche albienne notamment qui contient – je ne sais si vous le savez – des milliers de milliards de mètres cubes d’eau accumulés durant des siècles. C’est cela le plus grand risque que votre décision fait courir à la plus importante richesse que recèle le Sahara.» «L’Histoire a déjà enregistré que vous et le système que vous représentez avez privé la génération actuelle d’Algériens du bien-être que leur aurait procuré la manne pétrolière du pays, en bradant ses ressources en hydrocarbures afin de satisfaire les appétits des majors pétroliers, américains notamment, dans le but affiché de vous acheter des alliances, mais aussi celui de gonfler les comptes en banque de vos proches et des mafieux qui vous entourent», accuse, ensuite, l’expert. «J’espère que vous êtes conscient que l’Histoire retiendra que ce crime vous est imputable à vous et à vous seul, car eux, vos maîtres de l’ombre, s’en laveront les mains bien sûr», lâche-t-il.
«Arrêtez la minuterie de cette bombe à retardement !»
L’expert algérien doute, par ailleurs, des résultats des études sur lesquelles se sont basées les autorités algériennes pour prendre une telle décision. «Sachez que les chiffres qui vous ont été avancés émanent apparemment de rapports établis par le secrétariat à l’Energie américain, dans lesquels il est bien spécifié qu’il s’agit là de réserves non prouvées, qu’elles seraient de l’ordre de 19 800 milliards de mètres cubes et qu’elles seraient situées en majorité au sud-est du Sahara dans une zone de 120 000 km² environ. Aucune étude sérieuse ni aucun travail de recherche sur le terrain ne sont venus, à ce jour, confirmer la véracité de ces chiffres», tranche Hocine Malti. Celui-ci s’en prend ensuite directement à la France qui ne veut pas pour le moment entendre parler de l’exploitation de ce gaz chez elle et l’encourage en Algérie. «Total n’est pas le seul groupe pétrolier à vouloir se lancer dans l’aventure du gaz de schiste en dehors des frontières de son pays. Les majors anglo-saxons en font de même», ajoute-t-il.
L’expert se tourne ensuite, dans sa lettre, vers le peuple algérien qu’il interpelle sur cette question, l’appelant à se mobiliser pour s’opposer à l’extraction du schiste. «A tous les Algériens : arrêtez la minuterie de cette bombe à retardement !» « C’est animé d’une grande révolte et avec une énorme tristesse sur le cœur que j’ai écrit ces lignes», assure-t-il. «Comme toute bombe à retardement, ce n’est pas dans l’immédiat qu’elle explosera ; c’est sur la durée que se feront sentir ses effets. Celle-ci est particulièrement traîtresse et pernicieuse ; c’est petit à petit et par petites doses presque imperceptibles qu’elle distillera son poison. Mais une fois qu’elle aura entamé son processus de destruction, plus rien ni personne ne l’arrêtera. Ce sera l’apocalypse, mais ce sera trop tard», prévient-il. «C’est pourquoi je dis aux Algériens, à tous les Algériens, indignez-vous ! Faites des pétitions, faites des manifestations, faites en sorte que le président de la République renonce à cette fausse bonne idée d’accorder son feu vert à l’exploitation du gaz de schiste. Agissez de telle manière qu’il fasse ce qu’il a été poussé à faire en 2006, quand sous la pression à laquelle il a été soumis de toutes parts, il a été amené à renoncer à mettre en vigueur la loi scélérate sur les hydrocarbures de Chakib Khelil, et ce, malgré le soutien de la première puissance mondiale», recommande l’expert aux Algériens. «Alors, je vous dis, Algériennes, Algériens, unissez-vous, obligez le pouvoir en place à renoncer à ce suicide collectif qu’il cherche à nous imposer. Indignez-vous ! Indignez-vous ! Indignez-vous !» conclut Hocine Malti, visiblement très inquiet. Son appel sera-t-il écouté ?
Amine Sadek

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