Qu’est-ce que l’ex-numéro deux du FIS Ali Benhadj est allé faire dans le fief de Madani Mezrag ?

Une vidéo postée sur YouTube montre Ali Benhadj animer, le 24 mai dernier, à Jijel, une causerie dans une salle remplie d’islamistes venus l’écouter s’expliquer sur la situation de l’ex-FIS. Sa présence à la tête d’une véritable délégation dans le fief de Madani Mezrag, ancien chef de l’«Armée islamique du salut» (AIS), soulève une série d’interrogations. Est-il venu rencontrer Madani Mezrag ? Il y a de bonnes raisons de le croire, si on se base sur les informations concernant l’intention de ce dernier de réunir prochainement les anciens dirigeants du FIS dissous dans la perspective sans doute de concrétiser ce qu’il croit être une possibilité de réhabiliter les islamistes dans un parti politique, considérant cela comme un des résultats qui découleront de la nouvelle Constitution. Est-il allé, au contraire, faire le procès de Madani Mezrag ? On sait que l’ancien chef de l’AIS a été invité par Ahmed Ouyahia à participer aux consultations qui commencent demain sur la révision constitutionnelle. Madani Mezrag a fait savoir ce qu’il pense des deux principaux dirigeants de l’ex-FIS, Abbassi Madani et Ali Benhadj, ironisant sur le premier en le considérant «en dehors de la zone de couverture» et plus dur à l’égard du second, en le traitant carrément de «clown». Cela signifie-t-il qu’il les exclue de sa démarche visant à faire revenir le FIS sur la scène politique ? C’est certainement dans ce contexte qu’il faut inscrire le regain d’agitation d’Ali Benhadj qui, lui, manifeste, toutefois, à la fois prudence et discrétion quand il s’agit de dévoiler ses projets. A Jijel, il s’est montré faussement embarrassé pour répondre à une question sur la forme que prendra le retour du FIS dissous sur la scène politique, laissant entendre que quelque chose se prépare, mais que le sujet ne pouvait être traité dans cette salle, a-t-il lancé pour justifier son refus de clarifier sa position. Dans un discours parsemé de références religieuses et de citations en rapport avec des faits qui se sont déroulés à travers l’histoire de l’islam, il a tenté, en termes allusifs, de se faire comprendre par l’assistance qui attendait certainement des clarifications plus nettes sur sa position politique, et qu’ils n’ont pas eues, au bout de plus de 90 minutes consacrées à une intervention liminaire puis aux réponses aux questions de son auditoire. On sent, toutefois, chez Ali Benhadj la volonté de reprendre le contact avec sa base, dans un contexte totalement différent de celui de la fin des années 1980, il y a plus de trente ans. Lui-même constate avec amertume, bien sûr, que les choses ont beaucoup changé : l’attrait du sport, de la chanson, des femmes, est, pour lui, un facteur négatif, encouragé par le pouvoir qu’il rend responsable de la dégradation de la situation. Il estime qu’il ne faut pas attendre l’autorisation du pouvoir pour agir, critiquant ainsi, implicitement, son rival, Madani Mezrag, qui aurait choisi la voie du consensus avec le pouvoir. Dans tous les cas, il y a une démarche convergente visant à faire revenir le FIS par la grande porte.
Kamel Moulfi
 

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