Le pouvoir algérien implose et met en danger la nation

La purge opérée en cette rentrée politique au sommet de la pyramide du système de pouvoir algérien n’augure rien de rassurant sur l’avenir immédiat de l’Algérie. Elle n’est sans doute pas l’expression d’une volonté de réajustement de son organigramme pour l’amélioration de son efficacité et de son rendement au profit de la démocratie et des intérêts de la nation. Cela s’entend à mille lieues des sphères du pouvoir, jusqu’aux murmures lointains qui bruissent des profondeurs de la société où le peuple est reclus. Elle serait plutôt le symptôme d’une fissure profonde et irréversible dans le système de pouvoir, qui vient de se manifester publiquement. Rien de comparable avec le coup d’épée dans l’eau d’Amar Saïdani, la veille des présidentielles de 2014, contre le patron du DRS. Elle est surtout venue nous révéler qu’un abîme dangereux s’est creusé entre le clan des Bouteflika et ses alliés, civils et militaires, et le clan rival, civils et militaires également, qui lui contestent l’hégémonie du pouvoir. A cela, il faut rajouter la dangerosité que représente la confusion entretenue par les médias dans leurs interprétations de ces brusques mouvements de bannissement d’éléments clefs du système, qui s’apparentent tout au mieux à des convulsions psychotiques. On veut nous faire croire qu’il s’agit là d’un sursaut d’humeur de la part du clan présidentiel pour couper l’herbe sous les pieds de l’opposition devenue de plus en plus menaçante et à laquelle s’est jointe une partie de l’armée pour le renverser et constituer un front de transition vers un régime démocratique. Il s’agit en fait de cette partie de l’armée qui fait l’objet de ces bannissements aujourd’hui même. Nous ne sommes pas dupes. On se doit d’aborder la situation avec un esprit lucide et responsable, contrairement à ce que cette presse nationale veut nous faire croire, soit par dérobade, soit par inconscience, dont le seul souci est de se positionner d’un côté ou de l’autre. Du côté pile ou du côté face du système. La CLTD, le Front du changement, Ali Benflis, Ahmed Benbitour, Mouloud Hamrouche et le lot de personnalités qui se bousculent pour tenter de damer le pion au clan présidentiel sont tous du sérail et constituent sa force dans toute son étendue, aujourd’hui scindée en deux entités rivales. Bien qu’ils essayent de nous vendre, comme une alternative au pouvoir déliquescent de Bouteflika, une option politique pour une transition démocratique. Ce clan, comme en reste celui de Bouteflika, ne représente que lui-même et ne peut être tenu comme émanent de la volonté populaire, sur quoi devrait reposer le socle d’une véritable Constituante qui exprimerait la souveraineté législatrice du peuple. Car face à eux, se trouve marginalisé un pan entier de l’élite algérienne, qui n’a jamais appartenu au système et qui est en mesure, le moment venu, de traduire la volonté populaire en conquête politique souveraine. Il suffit de considérer l’action politique concrète de ce clan rival au clan présidentiel, qui cherche ses alliances plutôt au sein de l’armée que de se tourner vers le peuple pour chercher son adhésion et sa participation active, qui aura comme conséquence inéluctable sa conscientisation et donc sa capacité de différentiation devant les choix qui lui seront soumis. A se demander si le peuple ne constitue pas autre chose pour eux qu’un simple «bétail» à solliciter à coups de discours populistes au moment opportun, comme c’est le cas depuis l’indépendance nationale. En effet, nous avons affaire à deux clans rivaux, qui se font face à couteaux tirés et qui se disputent le pouvoir. Le premier, celui du clan présidentiel, agonisant, d’abord par la dégradation irréversible de la santé du chef de l’Etat en personne, ensuite par la perte de confiance vis-à-vis du peuple, pour sa gestion catastrophique des richesses nationales, lourdement entachée de corruption et de gaspillage, des institutions publiques qui sont défaillantes à tout point de vue, de l’échec du développement de la société en général, etc., et ce, depuis son avènement en 1999. Quant au clan rival, on ne peut s’empêcher de le comparer à un «prédateur» guettant sa proie agonisante, pour le renverser et occuper sa place et les privilèges qui vont avec. La stratégie et les méthodes de ce dernier, en préférant s’allier avec l’armée au lieu de se tourner vers le peuple et son élite, laissent croire que son objectif ne diffère pas de celui de l’autre clan, en cela qu’il se confirme à son tour comme un adepte du statu quo, de l’autoritarisme et de l’idéologie nationaliste conservatrice, une référence qui apparaît en évidence dans son discours politique. Par ailleurs, la question de savoir si le DRS est solidaire avec l’un ou l’autre clan, devient secondaire et n’a aucun impact significatif sur cette crise structurelle qui secoue le système. L’armée aura certes un rôle capital à jouer dans la transition démocratique, en tant que garante du bon déroulement de la Constituante à venir, mais pas en tant que partie prenante comme c’est le cas dans cette dualité de rivalité pour le pouvoir. Pour l’heure, l’on peut déplorer que la tension engendrée par une telle division assez prononcée du système de pouvoir en deux blocs rivaux et violemment antagoniques, que l’on peut qualifier d’amorce d’une potentielle implosion, fait peser un danger imminent sur le devenir de la nation. Il appartient au peuple et aux élites marginalisées à ce jour par le système de revenir de leur démission et constituer une troisième force pour tenter de colmater cette dérive irréversible qui pourrait être fatale pour notre souveraineté nationale et notre intégrité territoriale.
Youcef Benzatat
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.