La gouvernance par l’énigme
Par Kamel Moulfi – La preuve que notre Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est bien arrivé jeudi à Londres a été donnée par l’image furtive diffusée par la chaîne de télévision publique algérienne, le montrant serrer la main de son homologue britannique devant le 10 Downing Street, avant d’entrer dans l’immeuble qui abrite le bureau de David Cameron. Mais cette preuve, irréfutable, n’a pas été suffisante pour clore le feuilleton à base médiatique lancé sur un scénario inspiré d’informations «exclusives» livrées, avant cette visite, par un journal londonien, relayées par d’autres «sources» aussi exclusives chez nous. En fait, le rebondissement – proprement algérien, cette fois – ressort implicitement du contraste entre la visite de Sellal à Londres, tronquée et non couverte par les médias officiels, et celle qu’il a effectuée, quelques jours avant, à Paris, en grandes pompes et dont les moindres détails ont été rapportés quasiment en direct et presque in extenso, minute par minute. Pourquoi cette différence de traitement ? Aucune explication n’est fournie par les services concernés. La gouvernance par l'énigme ! Ce qui laisse la voie libre à des supputations aussi farfelues les unes que les autres qui vont bon train et tombent telle une avalanche : Sellal ferait de l'ombre à Bouteflika et il faut que ça cesse ; Sellal aurait programmé la visite sans l'aval de la Présidence ; les Anglais n'étaient pas prêts pour le recevoir ; Sellal candidat de la France à la prochaine présidentielle et qui obéirait donc à leurs ordres… et plein d'autres arguties et ergotages, tous, bien sûr, dus à ce sempiternel mépris de l'opinion publique nationale par les dirigeants politiques. Le traitement médiatique officiel de la visite de Sellal à Londres est devenu lui-même l’événement. L’explication est peut-être dans le résultat ; ne dit-on pas que c’est cela qui compte ? Neuf accords ont été signés à Paris, contre combien à Londres ?
K. M.
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