2014 : le monde arabe entre Daech et l’échec consommé du «printemps arabe» (IV)

L’année 2014 dans le monde arabe aura été dominée par une recrudescence sans précédent des actes terroristes attribués à l’organisation de l’Etat islamique en Irak et en Syrie (Daech), hyper-médiatisés en Occident à travers des images de crimes atroces qui ont fait le tour de la planète. Il n’en demeure pas moins que cette focalisation internationale va très rapidement servir d’alibi pour des opérations militaires décidées par Washington et ses alliés de l’Otan contre des positions ciblées de l’organisation terroriste dans les provinces irakiennes et syriennes, mais aussi pour justifier le durcissement des dispositifs sécuritaires en vigueur dans les pays occidentaux. Mais tous les observateurs s’accordent à dire que les raids aériens n’ont pas réussi à laminer ce réseau ni à circonscrire les menaces qui pèsent sur les pays du voisinage. Cela se passe au moment où l’armée syrienne continue à combattre un conglomérat de groupes armés, dont ce même Daech, mais sans la moindre coordination avec les forces de l’Otan qui, paradoxalement, n’ont jamais cessé leur soutien à la «rébellion» dans ce pays, où le nombre de victimes a franchi le seuil symbolique de 200 000 tandis que celui des réfugiés dépasse trois millions, d’après les dernières statistiques. Alors que la guerre entre dans sa cinquième année. Devant l’impasse et le retrait tactique des capitales occidentales, le processus de dialogue vient d’être timidement relancé par Moscou, mais les forces en présence parient de moins en moins sur une solution politique et négociée au conflit. Même en Irak, les forces gouvernementales, aidées par Washington, peinent à endiguer l’avancée des phalanges de Daech qui occupent aujourd’hui une bonne partie du nord du pays. En représailles aux frappes aériennes menées par l’armée américaine et ses alliés, l’organisation islamiste a annoncé cette année l’exécution de plusieurs otages occidentaux, dont le journaliste américain James Folley, le 19 août, et l’humanitaire britannique Alain Henning, le 4 octobre. L’exécution, en Algérie, d’un otage français, Hervé Gourdel, une semaine plus tôt, semble s’inscrire dans la même logique de guerre psychologique.
Les islamistes sur la défensive
Parallèlement à cette montée fulgurante de l’organisation de l’Etat Islamique et aux dangers qui menacent la stabilité de nombreux pays de la région, on assiste depuis une année à un puissant mouvement agissant telle une lame de fond, remettant peu à peu en cause les révolutions dites du «printemps arabe». De l’Egypte à la Tunisie, en passant par la Libye, les promoteurs de ces insurrections cèdent de plus en plus aux forces modérées. Le cas de la Tunisie est plus illustratif de cette volonté de s’affranchir des partis islamistes qui se sont emparés du pouvoir. La défaite d’Ennahda aux élections législatives, puis celle de son protégé, l’ancien président Moncef Mazrouki, à la présidentielle du 21 novembre, sonnent la fin d’une aventure. En Libye, les forces hostiles à l’hégémonie islamiste, regroupées autour du général Khalifa Haftar, se montrent déterminées à enrayer les milices armées, au moment où ce pays continue à fonctionner avec deux gouvernements et deux parlements irréconciliables. Les efforts déployés ces derniers mois par l’Algérie pour asseoir un climat de dialogue dans ce pays sont bien accueillis par les protagonistes, mais les multiples ingérences – qatarie, saoudienne et française – ne sont pas pour favoriser une issue pacifique à la crise.
L’intifada comme seule alternative
Ces ingérences sont également à l’origine de la paralysie qui frappe la Ligue arabe désormais soumise exclusivement aux influences des riches émirats du Golfe. Une chose qui s’est une nouvelle fois vérifiée lors de son sommet du 23 mars au Koweït, où les dirigeants arabes, tout en prétendant décider du «destin arabe commun», ont été incapables de trancher sur les principales questions qui occupent l’opinion arabe, en tête desquelles figure la question palestinienne. Alors que le processus de paix au Proche-Orient est de nouveau dans l’impasse, après les dernières exactions menées par l’armée israélienne en Cisjordanie, où le ministre palestinien chargé des affaires de colonisation a été tué, les Israéliens redoutent une nouvelle intifada. Mahmoud Abbas lui-même, en visite en Algérie ces derniers jours, n’a pas caché sa désillusion, en menaçant de «cesser toute relation avec l’ennemi», y compris la coordination sécuritaire, si le projet de résolution soumis au Conseil de sécurité pour l’arrêt de la colonisation, prévu ce mercredi, n’était pas adopté. Ce n’est sans doute pas un hasard si le président palestinien a choisi de lancer cet avertissement en terre algérienne.
R. Mahmoudi
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.