Document historique – Les premières traces juridiques de l’Algérie indépendante ignorées

Les tumultes des premiers mois de l’Algérie indépendante, le fameux été 1962, et les affrontements fratricides autour de la prise du pouvoir, déjà, continuent de marquer la façon de célébrer le 5 Juillet, choisi comme date de la fête nationale. Cette année n’a pas dérogé à la règle de l’occultation dans les récits officiels du rôle de certaines personnalités qui ont pourtant été aux avant-postes dans la transition entre le cessez-le-feu, appliqué le 19 mars 1962, et la prise en main, le 3 juillet, par les Algériens des «compétences afférentes à la souveraineté sur le territoire algérien». Il en est ainsi d’Abderrahmane Farès. C’est l’homme qui pilota en tant que président de l’Exécutif provisoire le passage de notre pays à l’indépendance et c’est lui qui apposa sa signature au bas du premier document officiel, à caractère juridique, émis par l’Algérie libérée de l’occupation coloniale, publié dans le numéro 1 du Journal officiel de l’Etat algérien, daté du vendredi 6 juillet 1962, édité dans la seule version française et son abonnement se payait en NF, nouveaux francs (voir dans rubrique Documents et ci-dessous). Il n’y avait pas encore de version arabe du JO (la première paraîtra le 29 mai 1964, avec des chiffres écrits avec la typographie hindoue) et ce n’était pas aussi le «Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire» dont la série a été ouverte le 26 octobre 1962 par la promulgation de la proclamation (le 25 septembre 1962) de la République algérienne démocratique et populaire (RADP). Le premier document de l’Algérie indépendante a donc été signé par Abderrahmane Farès, comme «président de l’Exécutif de l’Etat algérien». Il s’agit de sa réponse à la lettre du général de Gaulle, chef de l’Etat français, à l’époque, par laquelle «la France a pris acte des résultats du scrutin d’autodétermination du 1er juillet 1962 et de la mise en vigueur des déclarations du 19 mars 1962 » et «a reconnu l’indépendance de l’Algérie». La lettre du président de Gaulle n’était pas particulièrement chaleureuse, tout juste, exprimait-il, «les vœux profondément sincères, qu’avec la France tout entière, je forme pour l’avenir de l’Algérie». Pour sa part, Abderrahmane Farès, dans sa réponse, faisait part de son souhait de voir s’établir entre nos deux pays «une coopération féconde et prospère». Cet échange (daté du 3 juillet 1962) entre Charles de Gaulle et Abderrahmane Farès constitue la trace «juridique» du premier acte de souveraineté de l’Algérie. Cette trace est tombée dans les oubliettes pour le grand public et même ceux qui, sans être historiens, s’intéressent à ce moment du parcours de l’Algérie ne lui accordent pas d’attention, comme s’il n’avait pas d’importance alors qu’on pourrait y trouver quelque éclairage sur ce qui a suivi et sur l’évolution de notre pays jusqu’à sa situation actuelle. Abderrahmane Farès a signé également (toujours à partir de Rocher Noir, Boumerdès où siégeait l’Exécutif provisoire) la première ordonnance de l’Etat algérien «n°62-1 du 6 juillet 1962» pour réintégrer et rétablir dans leurs droits tous ceux qui, en raison de leur action patriotique, ont été lésés par l’administration coloniale. Un arrêté et une circulaire (les premiers de l’histoire de l’administration algérienne) fixaient, pour l’arrêté, l’organisation de la délégation aux affaires administratives et, pour la circulaire, les modalités de mise en œuvre de cette Ordonnance. La première préoccupation de l’Etat algérien était donc la réinsertion des patriotes et des victimes de la répression coloniale qui avaient quitté, ou perdu, leur emploi à cause de leur participation à la lutte de Libération nationale. Un acte de justice plus qu’une mesure administrative. Tout un symbole.
Houari Achouri

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