Contribution de Youcef Benzatat – L’érosion d’Idir, de la régression vers le folklore au racisme fascisant

Cet article avait déjà été publié en décembre 2013. Son objet étant aujourd’hui d’une gravité plus alarmante encore, nous considérons que son actualisation pour une seconde publication s’avère plus que jamais nécessaire. L’accentuation de l’errance des séparatistes berbéristes et leurs compromissions avec les ennemis déclarés de l’Algérie, ou avec ceux adoptant des postures sournoises à son égard, ont amené le chanteur Idir à s’inscrire de plus en plus ouvertement dans leur démarche, sans jamais l’avouer publiquement. Adoptant à chaque étape une ambivalence discursive, lui permettant de s’en sortir à chaque fois à moindres frais. La dernière en date : «il n’y a pas d’Algérie sans amazighité ni amazighité sans Algérie» en est la parfaite illustration. Tout en déclarant s’attacher à l’algérianité «(…) ni amazighité sans Algérie», son soutien sans faille aux leaders du mouvement séparatiste berbériste et sa production artistique récente viennent cependant trahir son propos et révéler l’érosion de son art vers la quête d‘un folklore ethnique replié de plus en plus sur lui-même. En repoussant de plus en plus son art vers une expression folklorique ghettoïsée, Idir ne fait qu’amputer la culture algérienne des potentialités créatives de l’une de ses expressions qui était considérée parmi les plus révolutionnaires. Une expression qui avait donné autrefois un coup d’accélérateur à l’inscription de la culture algérienne dans le champ de l’universel. Dans les années 1970, A vava Inouva avait bercé notre adolescence dans l’enchantement du sentiment d’appartenance à l’Humanité dans ce qu’elle a de plus universel, par l’exécution d’un répertoire musical arrimé à la contemporanéité du monde et de ses exigences en termes de liberté et d’universalité. Avili par la répression et la frustration de ne pouvoir s’épanouir souverainement sur les terres de ses ancêtres et en communion avec son peuple, l’érosion a eu raison de son génie, réduit à la quête des ghettoïsations ethniques, des spécificités folkloriques et de tout ce qui a de plus abject dans l’expression artistique : la recherche de la pureté culturelle dans ses frontières raciales. Car l’intention ne vise pas à l’inventaire du patrimoine folklorique universel, qui est en soi une noble quête, ni à la part d’universel dans chaque particularité que recèle chaque patrimoine spécifique. Malheureusement pour Idir, dans son égarement artistique, sa quête s’est pervertie dans un égarement collectif, celui d’une certaine Kabylie aveuglée dans sa résignation par un orgueil racial. Sa quête ne vise pas moins que la perversion de l’art par l’idéologie parmi les plus exécrables. Celle initiée par un certain Ferhat, qui lui aussi était autrefois un rayonnement et un modèle de rébellion, porte-parole de la révolte contre l’idéologie réactionnaire des usurpateurs de la culture algérienne, qui a noyé l’école dans un arabo-islamisme décadent. Ferhat parvenait lui aussi à dresser nos poils par le chatouillement de sa poésie, dont les mélodies nous plongeaient dans les nostalgies de la pureté de Novembre et des luttes des peuples, pour leur souveraineté et leur autodétermination. Le comble de leur perversion commune et de l’horreur de la quête de l’indépendance de la Kabylie est ce qu’il y a de plus abject dans le combat politique pour la quête de la dignité et de la souveraineté, car elle procède par le plus fascisant des comportements de l’humanité : l’épuration ethnique ! Parce que la quête de la pureté folklorique et la ghettoïsation ethnique, épurées de tous expression ou corps étranger à leur spécificité à des fins politiques, est une régression qui ne mène que vers le racisme, la négation de l’autre et l’auto-exclusion de l’universalité de l’Humanité. Vain combat. Rien ne peut détourner le torrent du métissage culturel dans la trajectoire inéluctable de l’Histoire, qui creuse ses sillons contre vents et marées, en inscrivant la culture et la langue dans un vécu en perpétuelle réinvention. De la langue maternelle à la langue populaire, le langage et les mots en perpétuelle recréation façonnent la derdja, langue de tous les Algériens, et expriment une culture et une société vivante arrimée à sa propre contemporanéité et lorgnant jalousement sa quête de l’universel. La derdja, cette synthèse qui véhicule dans sa structure profonde la langue des ancêtres des Algériens, tamazight, augmentée des apports de toutes les langues à qui elle a dû se confronter, comme l’ont bien fait ressortir le maître du chant populaire, le Kabyle El-Hadj M’hamed El-Anka, le dramaturge Kateb Yacine ou son disciple le Chaoui Slimane Benaissa.
Youcef Benzatat
 

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