Mattei a-t-il été assassiné pour ses liens avec le FLN ?

Par Khalil Oudainia – Enrico Mattei, un grand industriel italien, était à la tête de l’ENI (l'Ente Nazionale Idrocarburi). Il a fait de cet opérateur public une des plus grandes entreprises dans le domaine des énergies fossiles. Ayant fait entrer un nouvel acteur dans un secteur prédominé par sept grandes multinationales nommées «les sept sœurs», il attire la colère du conseil de sécurité nationale des Etats-Unis, entre autres. Dans son livre «Histoire secrète du pétrole algérien», Hocine Malti écrit : «En Italie, l'Ente Nazionale Idrocarburi (ENI), créée en 1953, était une petite compagnie comparée aux géants anglo-saxons qui dominaient la scène pétrolière mondiale de l'époque. Elle était présidée par Enrico Mattei, qui deviendra dans ce contexte le trouble-fête de l'ordre établi par ces majors. Après s'être heurté, vers le milieu des années 1950, il l'interdit de l'IPC (qui avait opposé un veto à la venue de l'ENI en Irak), Mattei lança une initiative hardie et inédite en direction des pays du tiers monde où l'ENI intervenait : il leur proposait un partenariat à 75% pour le pays hôte et 25% pour l'ENI dans les opérations qu'elle y menait.» Il conclut à un rôle des lobbies pétroliers dans son assassinat. Cependant, le témoignage que nous allons citer ci-après dévoile un élément plus crucial dans l’assassinat, sans nier totalement l’intérêt des lobbies pétroliers. Mattei était un acteur politique dans son pays. Il était aimé par certains pour la grandeur qu’il a donnée à une entreprise italienne dans un monde agressif, mais détesté également par les anciens partisans du fascisme. Accusé de constituer un Etat au sein de l’Etat par ce géant pétrolier, il alla même jusqu’à se doter d’un corps de garde personnelle, ne faisant pas confiance à des membres des services secrets de son pays.
L’affaire Mattei
Mattei avait des ennemis et des amis partout. Mais son nom sera plus connu le jour de sa mort. Le 27 octobre 1962, son avion explosa dans les environs du village Bascapè. Il mourra ainsi que son pilote et un journaliste américain du Time Magazine qui l’accompagnait dans ce voyage. Tout le monde pense à un assassinat. Mais les preuves manquent. Les moyens techniques de l’époque ne permettaient pas une enquête tranchante. On pose plusieurs hypothèses, dont un appareil explosif au sein de l’avion. Les enquêtes sur cet accident vont continuer des années durant. Le professeur Firrao de l’université de Turin alla même à rouvrir le dossier et faire de nouvelles analyses sur les débris de l’avion en 1997. Il conclut à un attentat perpétré par des explosifs.
Quel lien OAS-Mattei ?
Mais une hypothèse d’avérera de plus en plus crédible avec des témoignages à l’appui. Mattei aurait été assassiné par le Sdece. Pourquoi le Sdece ? Mattei entretenait une relation solide avec les représentants du FLN à l’étranger. Ceci lui vaudra une menace de l’OAS. Il était favorable à l’indépendance de l’Algérie qui est devenue inéluctable. Il affirma qu’il ne négociera aucun contrat d’exploration dans le désert algérien tant que l’Algérie n’a pas accédé à son indépendance. Il sera suivi par les géants américains. Par ailleurs, il cherchait à assurer une place pour les compagnies italiennes dans le Sahara de l’Etat naissant. Il pense même à l’approvisionnement de l’Italie par un gazoduc géant allant du désert algérien jusqu’à la Sicile. Ce dernier projet sera réalisé plus tard, mais Mattei n’aura pas l’occasion de le voir de ses propres yeux. Il a été assassiné bien avant. Pour ne rien arranger à son cas, le Sdece le soupçonnait aussi de faire partie du réseau qui facilitait au FLN l’achat d’armes dans le marché noir international. Tous ces éléments étaient une source claire de l’irritation du Sdece. Philippe Thyrand de Vosjoli, un ancien agent du Sdece qui a fait défection aux Etats-Unis, affirme dans son livre «Lamia, l’anti-Barbouze», que le Sdece est derrière cet «accident». Selon lui, la préparation s’est déroulée de cette manière. Peu avant cet incident, le Sdece envoie un certain Laurent comme mécanicien d’avion à Catane. Sur information d’indicateurs qui scrutaient les déplacements de Mattei, on sut qu’il voyagera ce jour. Le matin du 27 octobre, Laurent reçoit l’ordre de passer à l’action. A l’aéroport, il monte dans l’avion de Mattei, mis sans protection, et installe l’explosif qui servira par la suite à cet assassinat. Un autre épisode, donc, parmi les nombreuses affaires qui ont opposé le FLN au Sdece durant cette guerre de libération. Cet épisode s’est déroulé non pas dans les massifs de l’Aurès ni autour des dépôts de Marseille, mais dans un pays européen.
K. O.

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