Des eurodéputés dénoncent l’attitude du Makhzen : «Le Maroc se comporte comme un enfant gâté»

Lors d'un échange de vues organisé par la commission des affaires étrangères du Parlement européen, sur les récents développements dans les relations entre l'Union européenne et le Maroc, consécutifs à l'annulation partielle par la Cour de justice de l'Union européenne de l'accord agricole UE-Maroc, des eurodéputés de différents groupes politiques ont dénoncé l'attitude intrusive et les pressions exercées par le Maroc sur la Commission européenne. Ils ont relevé le peu de respect du Maroc pour les principes et procédures sur la base desquels fonctionnent les instances européennes, qu'il n'hésite pas à fouler au pied partant de son statut prétendument avancé. Plusieurs députés européens ont qualifié, dans leurs interventions, cette attitude comme étant celle d'un «enfant gâté» qui, présumant de son importance et de sa capacité de nuisance, verse dans l'excès et l'exagération, poussant le ridicule jusqu'à exiger d'être associé à toutes les procédures en vue d'interjeter appel contre l'arrêt de la Cour européenne de justice, un privilège réservé aux seuls Etats membres de l'UE. Les débats au sein de la commission des affaires étrangères ont également révélé l'appréciation critique des eurodéputés de l'attitude bienveillante, voire complaisante de la Commission européenne et du Conseil de l'UE à l'égard du Maroc. Les eurodéputés ont estimé, en effet, que la célérité avec laquelle la décision avait été prise par les Etats membres de l'UE de faire appel de l'arrêt de la Cour interroge sur leur attachement réel à la légalité internationale et à l'indépendance de la justice, qui forment le socle sur lequel s'appuie l'Union européenne. D'autre part, des parlementaires européens ont dénoncé la réaction démesurée et outrageuse du gouvernement marocain suite aux déclarations du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, lors de sa récente visite au Sahara Occidental, appelant l'Union européenne à appuyer les efforts du secrétaire général de l'ONU dans la résolution de ce conflit. A ce propos, le président de la Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et l'Union du Maghreb arabe, l'eurodéputé Pier Antonio Panzeri, a qualifié le traitement réservé à Ban Ki-moon par le Maroc, de «pas très orthodoxe», en s'interrogeant, à ce propos, sur le rôle que pourrait jouer l'Union européenne «pour appuyer les efforts des Nations unies, en vue d'arriver à une solution durable sur la base des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies». Il a estimé, en outre, que les prochaines élections au Maroc, prévues en octobre 2016, n'aident pas à améliorer la situation actuelle des relations UE-Maroc du fait de la surenchère et de «la concurrence entre les partis, entre qui est plus européiste que l'autre» au Maroc. Revenant sur la décision du tribunal européen du 10 décembre 2015, il a indiqué qu'il a essayé d'expliquer au Maroc «qu'en Europe, la magistrature est autonome et indépendante, et qu'elle ne peut pas être soumise à des pressions politiques, parce que la séparation des pouvoirs est essentielle en démocratie».
Par ailleurs, plusieurs députés ont saisi l'occasion de ce débat plénier pour dénoncer les violations des droits de l'Homme, les tortures et les traitements dégradants et inhumains pratiqués par le Maroc contre les populations sahraouies dans les territoires occupés du Sahara Occidental. A noter que le Maroc a mobilisé, pour les besoins de ce débat au Parlement européen, tous ses soutiens, y compris l'eurodéputé Aymeric Chauprade, ancienne recrue du Front national, parti honni tant au sein de l'hémicycle européen qu'en France pour ses positions extrémistes, xénophobes et islamophobes, révélant toute l'ampleur du désarroi dans lequel se trouve le gouvernement marocain. Et pour preuve, contrairement à la déclaration du porte-parole du gouvernement marocain faisant état de la décision du Maroc de couper tout contact avec les instances européennes, le royaume a fait appel, une fois de plus, à son homme de main au Parlement européen, l'eurodéputé français Gilles Pargneaux. Ce dernier a improvisé au pied levé une réunion du groupe d'amitié Maroc-UE, et ce, juste avant la réunion de la commission des affaires étrangères, dans le seul objectif de mobiliser en force ses troupes en vue d'une participation active à la session de la commission parlementaire. En réponse à des questions des eurodéputés sur la contribution de l'UE dans la résolution du conflit au Sahara Occidental, le représentant de la Commission européenne, Nick Westcott, directeur exécutif pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord au service européen de l'action extérieure, a indiqué que l'UE «œuvre dans le respect de la Charte européenne des droits de l'Homme». L’UE, a-t-il souligné, travaille en étroite collaboration avec les Nations unies, chef de file sur cette question, «pour une solution juste et durable à ce conflit». Pour lui, cette solution devra permettre au peuple sahraoui d'exercer son droit à l'autodétermination, conformément à la Charte des Nations unies.
Concernant l'attitude de l'Union européenne face à l'appel introduit par le Conseil de l'Union européenne sur la décision du 10 décembre dernier, M. Westcott a indiqué que l'Union européenne «est respectueuse de la justice» et «se conformera à la décision de la Cour européenne». Il a, cependant, rappelé que l'arrêt de la Cour fait clairement référence à la nécessité de prendre en considération les intérêts des populations sahraouies, ce qui est à l'origine d'un questionnement critique au sein de l'UE et de ses Etats membres.
En réponse à la question d'un eurodéputé au sujet de la demande insistante du Maroc d'avoir un droit de regard sur la procédure d'appel introduite par le Conseil de l'UE contre l'arrêt de la Cour européenne de justice, M. Westcott a rappelé que parce que ce pays n'est pas membre de l'UE et que la juridiction en question est un démembrement de la construction européenne, il ne saurait être question de le considérer comme partie directe dans cette procédure. C'est pourquoi, a-t-il dit, la Commission européenne entend engager un dialogue étroit avec le Maroc pour le mettre au courant des développements du dossier judiciaire. De son côté, Michael Koehler, directeur voisinage de l'UE à la Direction générale du voisinage et de l’élargissement, a prévenu des conséquences du gel des contacts entre l'UE et le Maroc, décidé unilatéralement par ce dernier, qui peuvent entraver la programmation et le déroulement des projets de coopération bilatérale qui, en définitive, bénéficient d'abord au Maroc.
De notre correspondant à Bruxelles, Tarek B.

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