Terrorisme : le DRS avertit, la DST relaie, la DGSE sabote, les politiques manipulent

«Il est urgent de se saisir de la menace terroriste. Sinon, on risque de se réveiller au milieu d’un cauchemar et il ne restera plus qu’à accuser l’Etat une nouvelle fois de n’avoir rien fait», avertissait, en 2003 déjà, Raymond Nart, ancien directeur adjoint de la DST. L’ancien responsable du contre-espionnage français s’est «livré» dans un ouvrage intitulé Carnets intimes de la DST, 30 ans au cœur du contre-espionnage français. Dans ce livre coécrit par Eric Merlen et Frédéric Floquin, Raymond Nart raconte, entre autres, comment la DST «pourchassait» les extrémistes religieux «main dans la main» avec les services de renseignement algériens, sans que les informations faisant état de menaces terroristes sérieuses n’eussent jamais été prises en considération par les responsables politiques français. Les auteurs du livre paru aux éditions Fayard en septembre 2003 rapportent le récit de Raymond Nart au sujet d’une rencontre qui avait eu lieu, en mars 1995, entre lui et un «ami venu d’Alger», comprendre un officier du DRS, parti en France alerter les autorités de ce pays sur l’imminence d’attaques terroristes sur le sol français. «Le 6 mars 1995, Raymond Nart et ses collaborateurs reçoivent à Paris la visite d’un ami algérien membre éminent de la sécurité militaire (…). Il leur annonce l’imminence d’une vague d’attentats islamistes sur le sol français, directement commandités depuis les maquis algériens du GIA. A l’origine de ces certitudes précise-t-il, l’arrestation à Oran quelques jours plus tôt d’un islamiste répondant au pseudo d’Omar», lit-on dans un des nombreux chapitres de l’ouvrage qui pointe la négligence des politiques français. «La DST ne garde évidemment pas pour elle ces informations brûlantes : elle rédige deux notes circonstanciées à l’attention de ses supérieurs, une le 11 mars, une seconde plus détaillée le 30», explique Raymond Nart, qui se demandait si le contexte électoral qui prévalait à l’époque des faits «focalisait toutes les attentions et toutes les ambitions». Autrement dit, si les dirigeants politiques français n’avaient pas accordé la priorité à leur propre carrière sur celle de la sécurité des Français. «Aussi alarmantes soient-elles, les notes restent sans écho», souligne Raymond Nart, qui précise que «seul» le préfet Philippe Marland, détaché pour les affaires de sécurité auprès du Premier ministre Edouard Balladur, avait accordé de l’importance à ces notes en provenance de la DST. Bien que les renseignements fussent fiables, de l’aveu du conseiller de Balladur, rien ne fut fait qui épargnât la vie de dizaines de victimes françaises dans la même année. Raymond Nart rapporte également dans son témoignage que les services de renseignement algériens avaient aussi arrêté un messager porteur de plusieurs lettres annonçant la préparation d’une campagne d’attentats en France. «A en croire ces confidences, un certain Kronfel («clou de girofle»), soi-disant pivot de cette campagne, devait quitter l’Algérie pour la Tunisie, de là se rendre en Turquie, puis de Turquie en Allemagne, d’où il devait entrer en France», affirme-t-il, précisant que le DRS disposait même d’une photo du terroriste présumé. «En fait, ce n’est pas lui qui était venu, mais une seconde équipe composée de deux personnes», explique l’ex-directeur adjoint de la DST. Quels que fussent les auteurs des attentats, le fait est qu’Alger avait mis en garde et que Paris a fait la sourde oreille. Raymond Nart explique l’attitude amorphe des officiels français par «le contexte intérieur» qui «ne se prêtait pas du tout à la mobilisation générale». Selon lui, «nul n’aurait sans doute voulu prendre la responsabilité de dramatiser l’élection présidentielle à venir en mettant la France entière en alerte». Il confirme que Londres a de tout temps été un «véritable sanctuaire» pour les réseaux terroristes dormants. Evoquant l’assassinat des moines de Tibhirine, l’ex-haut responsable de la DST écorche la DGSE, le service d’espionnage, qui «laisse entendre que les dirigeants algériens pourraient porter une part de responsabilité dans l’affaire» ou seraient carrément «impliqués dans les attentats perpétrés sur le sol français». La DST rétorque alors que les assertions de la DGSE sont une «fausse piste» et poursuit «une collaboration technique jugée aussi efficace que profitable» avec le DRS. Une collaboration chahutée par «la mauvaise coordination des services français, voire de la guerre entre services, rendue plus vive encore par l’impuissance des responsables politiques français», conclut Raymond Nart. Voilà donc pourquoi des dizaines de victimes françaises sont tombées sous les balles assassines des terroristes islamistes un certain 13 novembre 2015.
M. Aït Amara
 

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