La guerre secrète de succession a commencé : coups en dessous de la ceinture et manœuvres dangereuses

Les événements se précipitent. Plusieurs parties s’affairent dès maintenant à préparer la présidentielle inédite de 2019. Tout indique, en effet, que la prochaine élection se passera dans une atmosphère jamais vécue depuis l’indépendance à ce jour. Le service qui était en charge de faire élire le chef de l’Etat a changé de main et de mission, le président sortant est définitivement disqualifié pour un cinquième mandat et les forces de l’argent sont directement impliquées dans la «chose» politique. Au fur et à mesure que l’échéance de 2019 approche, les observateurs de la scène politique nationale – et internationale – réajustent leurs analyses à la lumière des derniers développements de la vie politique du pays qui se précipitent d’une telle façon que les données sur la base desquelles était envisagée la succession de Bouteflika ont changé du tout au tout. Alors qu’il était question, jusque-là, d’une compétition bipartite – donc restreinte – entre le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, de nouveaux éléments sont venus chambouler les calculs non seulement des tenants du pouvoir actuel, mais aussi des analystes et des officines étrangères qui multiplient les rencontres avec les acteurs politiques, les animateurs de la société civile et les journalistes pour tenter de déchiffrer le grimoire. La dernière sortie de l’homme d’affaires Issad Rebrab, qui s’attaque de façon de plus en plus ouverte et frontale à ce qu’il qualifie sans ambages de «clan régionaliste au pouvoir» scelle une nouvelle étape dans la course à la présidentielle. Sa déclaration faite suite à un conflit qui l’oppose au gouvernement qui tente de l’empêcher d’enrichir son groupe médiatique par le rachat d’un média arabophone en est la preuve irréfutable. Issad Rebrab crie au complot et fustige une propension du pouvoir à écarter – insidieusement ou violemment – et à affaiblir toute personne qui menacerait sa survie. Un message clair qui signifie que le magnat de l’agroalimentaire ne compte pas se contenter de paroles, qu’il est décidé à jouer un rôle actif dans la prochaine élection et qu’il œuvre désormais à contribuer à pousser Bouteflika et son système vers la porte de sortie. Issad Rebrab n’annonce aucune allégeance ni aucune alliance pour le moment. Parallèlement au coup de gueule de l’homme d’affaires le plus riche d’Algérie, l’ancien ministre de l’Energie procède, depuis son retour au pays, à un envahissement de l’espace médiatique à des fins qu’il n’explique pas encore ouvertement. Mais son dernier appel aux Algériens à «travailler» avec lui «pour que notre Algérie continue de vivre en paix» est un signal clair qui trahit un plan de sauvegarde du système en place, dont la perpétuation est sérieusement compromise par la dégradation de l’état de santé du président Bouteflika. Il n’est pas exclu que la date du retour de Chakib Khelil ait été avancée à la lumière de cet imprévu. La réaction violente du pouvoir et de ses relais politiques et médiatiques à la diffusion de la photo – non truquée, faut-il le signaler – de Bouteflika par Manuel Valls sur son compte Twitter et à l’association de son image à l’affaire dite des «Panama Papers» par un quotidien français dénote un mouvement de panique en haut lieu symptomatique d’une position de faiblesse. A cette violence s’ajoutent des manœuvres dangereuses qui consistent à vouloir, coûte que coûte, «mouiller» l’ex-DRS, donc le général à la retraite Toufik, en exhumant le dossier de l’autoroute Est-Ouest et en allant jusqu’à faire accuser par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, les officiers des services de renseignement qui ont révélé l’affaire d’avoir fait subir des actes de torture au principal prévenu. Autant de faits qui annoncent une élection présidentielle orageuse où Sellal et Ouyahia sont appelés à jouer un rôle de minime importance dans la bataille brutale pour l’après-Bouteflika.
M. Aït Amara

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