France 2 revient sur les années du terrorisme en Algérie : les rappels utiles du général Touati

L'émission dominicale de France 2 sur les religions a consacré, ce matin, le créneau «Vivre l’islam» à la diffusion de la première partie d’un documentaire intitulé «Le sabre et la kalachnikov», réalisé par Djelloul Beghoura, qui traite pour l’essentiel du terrorisme qui a endeuillé l’Algérie durant dans les années 1990. Le motif de cette programmation est donné dès les premières images qui évoquent les attentats de Paris du vendredi 13 novembre 2015. Cette première partie, très instructive, s’appuie sur des images d’archives, dont certaines sont vraiment terrifiantes – comme les défilés des «afghans» dans les rues d’Alger –, et sur des témoignages et des commentaires de personnalités qui ont occupé des responsabilités en liaison avec ce qui s’est passé en Algérie durant cette période, autant dire des acteurs directs dans ces événements, ainsi que des chercheurs, parfaits connaisseurs de l’islam. Concernant l’Algérie, tous interviennent à la lumière des événements actuels, mais aussi avec le recul que permettent plus d’une vingtaine d’années écoulées. Saïda Benhabylès, actuelle présidente du Croissant-Rouge algérien, a eu cette phrase terrible pour décrire le contexte international à l’époque fait d’indifférence, voire de sympathie allant jusqu’à la complicité avec le terrorisme : «Taisez-vous, on tue en Algérie !» L’éclairage sur ce qui s’est passé dans notre pays est donné par une série de rappels faits par le général à la retraite Mohamed Touati qui souligne qu’un problème de conscience s’est posé aux officiers de l’armée et à un certain nombre de personnalités politiques, après le premier tour des élections législatives de décembre 1991 remportées par le FIS. Il confirme que l’armée a opté pour l’arrêt du processus électoral, mais, précise-t-il, c’est le Haut conseil de sécurité qui prend la décision. Il faut empêcher que l’Algérie sombre dans le chaos. Pour le général Touati, il y avait un pluralisme politique naissant en Algérie et le FIS voulait y mettre fin – la démocratie étant une hérésie (kofr) pour les dirigeants de ce parti, comme l’a rappelé Ali Haroun dans son intervention dans le documentaire. Le général-major insiste sur le fait que les violences ont commencé avant l’arrêt du processus électoral. Il rappelle que Gouasmi Cherif, chef du GIA, a proclamé le califat en 1994 avec les dirigeants du FIS. Le général Touati parle de giga-terrorisme et relève la fatwa qui avait déclaré apostat une partie de la population, rendant «licite» son assassinat. Autre grand moment du documentaire, le témoignage de Louis Caprioli qui a été, de 1998 à 2004, le sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST, France). Il évoque les grèves insurrectionnelles de mai-juin 1991 (qui n’avaient pas été suivies, faut-il le rappeler), les défilés d’afghans algériens dans la même période (1990-1991) et le basculement vers la radicalisation et la violence. Son témoignage signifie que ceux qui dirigeaient la France, à l’époque, en premier lieu le président Mitterrand, connaissaient les réalités et savaient ce qui se tramait contre notre pays. Louis Caprioli précise qu’il y avait 20 000 combattants du GIA, que des parties de l’Algérie étaient sous leur contrôle, mais l’armée a été solide, ajoute-t-il, une armée d’appelés encadrés par des professionnels, et il y a eu très peu de désertions, souligne l’ancien responsable de la DST. C’est cette armée, conclut-il, qui a mené une lutte sans merci contre les groupes terroristes. Dans ses propos, il n’y a aucune place à la thèse du «qui tue qui» qu’il réfute implicitement. Pour sa part, William B. Quandt, professeur américain en sciences politiques, qui s’était fait connaître par les Algériens par ses nombreuses interventions, notamment ses articles sur la situation dans notre pays durant la décennie du terrorisme, souligne qu’aucun pays étranger n’est intervenu en Algérie, contrairement à ce qui s’est fait en Syrie ou en Irak. Il procède à une analyse de la genèse du mouvement d’islamisation politique et le relie à l’échec du mouvement nationaliste qui était la pensée dominante au sortir du colonialisme, nationalisme lui-même teinté d’islamisme. Il date cet échec des années 70 et 80 avec l’épuisement de l’idéologie nationaliste et le recul des Etats nations, qui étaient laïcs, puis le vide idéologique qui pousse au retour à la culture religieuse. Quandt rappelle le cas iranien avec l’arrivée d’une force religieuse au pouvoir, ce qui stimule la croyance que ça peut marcher ailleurs ; le FIS lance alors son slogan d’Etat islamique. Enfin, Hubert Vedrine, diplomate français qui a travaillé avec Mitterrand, et qui a été ministre des Affaires étrangères de 1997 jusqu’à 2002, a tenté d’expliquer la position de la France face à ce qu’il s’est passé en Algérie dans les années 1990, notant qu’il y avait une minorité qui était favorable aux islamistes.
Houari Achouri

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