Audience élevée, niveau moyen

Par Houari Achouri – Le mois de Ramadhan prend fin, c’est l’heure de faire les évaluations sur le comportement des Algériens durant cette période particulière de l’année. On peut déjà estimer que les habitudes ont été conservées et parmi celles-ci, la préférence donnée aux chaînes de télévision algériennes par rapport aux «étrangères» pourtant facilement captées. Cette tendance se résume, pour le moment, dans deux chiffres donnés par l’étude de mesure d’audience réalisée par Immar sur la première semaine de jeûne : 61% pour les chaînes TV algériennes contre 31% pour les chaînes étrangères. Selon la même source, dans ces 61%, 48% sont partagés très inégalement entre les nombreuses chaînes privées et 12% pour les chaînes qui appartiennent à l’Etat. A ce niveau, globalement, il n’y a pas de grande surprise, les Algériens manifestent déjà ce penchant pendant les autres mois de l’année, depuis que les chaînes privées, qui émettent en «offshore», sont apparues dans leur paysage audiovisuel, ils ne font que le renforcer à l’occasion du Ramadhan.

L’explication est peut-être dans le fait que «nos» chaînes diffusent des programmes que toute la famille, ensemble, peut regarder sans risquer d’être surprise par des scènes choquantes porteuses d’images, propos ou thèmes qui restent encore tabous dans la société algérienne, même si certains sont abordés avec intelligence et audace pour les faire reculer. L’exemple le plus significatif est celui du feuilleton quotidien de la télévision publique, une production 100% nationale. Les Algériens qui ont hérissé leurs balcons et terrasses d’antennes paraboliques et se sont équipés de démodulateurs pour, à l’origine, regarder les chaînes étrangères s’en servent finalement pour zapper vers les chaînes nationales. C’est vrai, en tout cas, pour une grande partir d’entre eux. La concurrence qui vient des chaînes étrangères, plus précisément arabes, a été balayée. Les chaînes privées algériennes ont permis ainsi de réduire la dangereuse influence d’Al-Jazeera et Al-Arabiya, qui font dans la subversion à partir de la désinformation et d’une propagande dont l’objectif nettement perceptible est la déstabilisation de notre pays, pour les besoins des buts géostratégiques visés par les pays occidentaux.

Quant aux chaînes égyptiennes et libanaises, leur effet pervers est dans la dépravation qui domine leurs programmes, dévastatrice quand on sait que c’est ce qui est pris pour prétexte par les extrémistes islamistes pour justifier les pressions qu’ils exercent, par tous les moyens, y compris la violence, sur la société pour, comme ils le prétendent et le proclament, la «moraliser». Elles ont, heureusement, elles aussi, reculé. Il est important de noter enfin que les télévisions françaises qui, à un moment, avaient une bonne place dans les taux d’audience en Algérie n’ont plus la cote. Ce changement global a été atteint grâce aux chaînes privées algériennes qui n’ont cependant pas réussi à contribuer à élever le niveau des programmes télévisuels proposés aux Algériens par les Algériens. C’est cette bataille de la qualité qu’elles doivent engager sans tarder si elles veulent conserver la préférence du public et – pourquoi pas – gagner en audience même dans les pays de la région. Cela signifie qu’elles doivent disposer des équipements qui vont avec les technologies les plus récentes et un personnel hautement qualifié, donc parfaitement formé, en plus de la liberté de création vitale dans ce métier, quand on veut innover. Sinon, il y a le risque qu’elles deviennent dangereuses à leur tour tant elles abrutissent la population à travers leurs programmes médiocres, la non-maîtrise du métier et, plus grave, les dérapages multiples qui ne sont jamais sanctionnés (propos violents, caméras cachées extrêmes, charlatanisme, etc.).

Sans aller jusque dans les détails des programmes, qui seront certainement décortiqués par les critiques professionnels dont on attend les appréciations avisées, il en ressort qu’il y avait, semble-t-il, un grand effort à faire pour mettre de l’originalité dans ce que les chaînes algériennes de télévision ont proposé aux Algériens pour ce Ramadhan, et également une plus grande recherche dans l’adaptation de ce que font les chaînes étrangères et qui peut être repris chez nous. Les émissions de divertissements et de jeux, caméras cachés et canulars, inévitables durant le Ramadhan, copiées pour une bonne partie sur les télévisions étrangères, restent à améliorer. On a vu des adaptations tirées par les cheveux. Mais les résultats chiffrés sont là et le prouvent : les Algériens préfèrent «leurs» chaînes de télévision. Les pouvoirs publics vont sans doute en tirer les conclusions qui leur paraissent utiles.

H. A.