Quelles missions pour la Cour des comptes ?
Par Abderrahmane Mebtoul – Dans tous les pays du monde où existe un Etat de droit, la Cour des comptes est une institution hautement stratégique, et notant qu’uniquement le contrôle de Sonatrach nécessiterait 200 magistrats financiers. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international et de diriger en Algérie par le passé (en 1982 pendant la présidence de feu docteur Amir, ex-secrétaire général de la présidence de la République) trois importants audits sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures de l’époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relation avec le ministère de l’Intérieur, et celui de l’Habitat assisté de tous les walis de l’époque, je ne saurais donc trop insister sur son importance en évitant, comme par le passé, qu’elle ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques.
Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en éternelle transition, ni économie de marché ni économie planifiée. Il existe un lien dialectique entre la logique rentière bureaucratique et l’extension de la sphère informelle qui draine plus de 50% de la masse monétaire en circulation et accapare autant pour la superficie économique (voir mon étude réalisée pour l’Institut français des relations internationales, IFRI, décembre 2013 – «Poids de la sphère informelle au Maghreb»).
C’est cette interminable transition, la gestion administrée bureaucratique tant centrale que locale l’amplifiant, qui explique les difficultés de régulation tant politique, économique que sociale, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences ministérielles, donc du politique, où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 n’a jamais été appliquée car la majorité des cadres algériens sont honnêtes.
Dans ce cas, la responsabilité n’est-elle pas collective et renvoie au blocage systémique, les managers prenant de moins en moins d’initiatives ? Cela explique la bureaucratisation de la société et la déperdition des entreprises productives. L’organe de lutte contre la corruption et la Cour des comptes doivent éviter cette vision répressive et être un garde-fou, une autorité morale par des contrôles réguliers et des propositions. Ils peuvent jouer leur rôle de lutte contre la mauvaise gestion et la corruption.
Mais cela est insuffisant, supposant un renouveau de la gouvernance centrale et locale sous-tendue par la visibilité et la cohérence de la politique socio-économique, devant éviter l’entropie actuelle.
A. M.
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