L’affaire Rachid Boudjedra sort les intégristes Mokri et Aribi de leur tanière
L’affaire Boudjedra a au moins le mérite de sortir les islamistes de leur tanière et de tomber les masques. Un communiqué publié sur la page officielle Facebook de Hassan Aribi – député fraîchement élu à Alger sur la liste d’union Ennahda, Adala et Bina – exploite le mouvement de solidarité avec Rachid Boudjedra en développant des propos haineux à l’égard de l’écrivain et des personnes qui le soutiennent, dans une tentative obsessionnelle de récupérer les plus extrémistes parmi les islamistes irréductibles qui restent attachés à la vision totalitaire du FIS dissous.
Contrairement au leader du MSP, Abderrezak Mokri – qui, lui, cherche à montrer qu’il échappe au fanatisme et veut le prouver en exprimant du bout des lèvres sa solidarité avec Boudjedra, alors que son message baigne dans l’intolérance –, Hassan Aribi ne se sent pas obligé de cacher qu’il n’a aucune sympathie pour Boudjedra. Tout en prétendant ignorer le contenu de l’émission qui s’en est prise à l’écrivain, il affirme ne pas condamner la chaîne TV Ennahar et trouve même qu’elle fonctionne selon le principe de la liberté d’expression clamée par… les amis de Boudjedra.
Abderrezak Mokri se veut plus subtil. Immédiatement après le rassemblement de solidarité avec Boudjedra, il a pris le temps de placer sur sa page Facebook un long message d’une confusion visiblement calculée, comme à son habitude, pour gagner sur tous les tableaux et surtout pour ne pas perdre du côté de la base islamiste, plus spécialement la frange extrémiste qui doute de la sincérité de ses engagements. Ainsi, il condamne les pratiques professionnelles de la chaîne TV privée Ennahar, mais justifie l’affront infligé à Boudjedra dans l’émission «Caméra cachée» par «un dépassement de journalistes qui ne connaissaient pas la terrible profondeur de l’écrivain». Autre dose de confusion : il prétend qu’il ne vise pas à travers son message les participants «sincères» à cette action contre l’injustice.
Mokri monte en épingle le rassemblement devant l’Arav en exagérant sciemment son ampleur. «La large sympathie manifestée à Boudjedra, écrit-il, démontre la puissance de la gauche, qui, malgré sa défaite partout dans le monde et en Algérie, a encore ses partisans dans notre pays et demeure omniprésente avec une vision et une stratégie nouvelles.» Ce passage significatif du message de Mokri a, de toute évidence, pour but de susciter une réaction épidermique dans la mouvance islamiste et motiver sa mobilisation, par opposition au «communisme» dont Boudjedra, dit-il, est un symbole en Algérie.
En même temps, le leader du MSP, en parfait opportuniste, ne veut pas perdre sur l’autre terrain. Il sait que ceux qui ont été choqués par l’opération médiatique infligée par Ennahar à Boudjedra ne sont pas tous des «impies». Sa sortie sur la caractérisation de la composante du mouvement de solidarité avec Boudjedra est d’une originalité surprenante : «Ils représentent aujourd’hui la bourgeoisie en Algérie, et ce sont eux qui accablent les masses laborieuses. Ils sont les agents du capitalisme mondial dans notre pays.» Il se fait le pourfendeur de «l’injustice et l’humiliation infligées par nombre d’organes d’information à la solde du pouvoir contre des Algériens honnêtes». En s’attaquant aux «personnalités connues pour leur influence au sein de l’Etat», présentes au sit-in, il vise Saïd Bouteflika, dont la participation au rassemblement de solidarité avec Boudjedra a surpris tout le monde.
Derrière ces discours – pseudo-tolérant chez Mokri, ouvertement imprégné de fanatisme chez Aribi – se profile le même intégrisme que les deux chefs islamistes flattent avec la même démagogie que celle qui avait conduit le pays à la catastrophe durant la décennie du terrorisme. Les deux s’étonnent de voir que le mouvement pour une Algérie libre et démocratique est toujours vivant, malgré les assauts criminels qui ont tenté de le faire disparaître et les menaces qui continuent de peser sur lui.
Houari Achouri
Comment (87)