Le droit international et le système de la bay’a : entre vérités et contradictions

Maroc
La bay'a dénie au peuple marocain de choisir ses dirigeants. D. R.

Une contribution de Mohamed Esahrawi(*) – Suite à l’Intifada d’El-Kedim Izig, certaines parties affiliées au palais royal ont tenté de communiquer avec les militants sahraouis. Ces militants, originaires du Sahara Occidental occupé par le Maroc, partagent les idées du Front Polisario, mais ne lui sont pas administrativement rattachés. J’ai eu l’occasion de participer à une de ces réunions où l’on s’efforçait de construire une relation avec le palais royal. L’objectif du royaume était d’obtenir l’adhésion des Sahraouis à un projet d’autonomie qui leur offrirait de grands avantages, en faisant des Sahraouis des alliés plus proches du palais que les autres communautés du Maroc.

Cependant, lors du débat, j’ai soulevé une question cruciale : si le palais souhaite abandonner les revendications légitimes des Sahraouis reconnues par le droit international, accepterait-il de passer d’une monarchie absolue à une monarchie parlementaire ? La réponse de cette partie a été nette : «Cela concerne le roi et ses sujets marocains, cela ne concerne pas les Sahraouis !» Suite à cela, la discussion a pris fin et cette partie a disparu.

Cet incident a révélé une contradiction profonde entre la position du Maroc et les principes du droit international, notamment en ce qui concerne le droit des peuples à l’autodétermination. Tandis que le peuple sahraoui et ses soutiens, principalement l’Algérie, défendent ce droit fondamental prévu par le droit international, le Maroc et certains acteurs internationaux, dont la France, continuent de défendre la position marocaine sur la question du Sahara Occidental, en s’appuyant sur le système de la bay’a (allégeance). Ce système est utilisé par des régimes autoritaires, notamment par des organisations terroristes, telles que Daech et Al-Qaïda, pour garantir leur pouvoir. Comment expliquer que ce système soit défendu dans le cadre d’un conflit aussi important au XXIe siècle, en contradiction avec les droits fondamentaux des peuples ?

La contradiction entre le droit international et le système de la bay’a

Le système de la bay’a est une pratique politique qui témoigne de la loyauté du peuple envers le roi, mais ce système n’a pas de place dans la politique moderne, qui repose sur le respect des droits de l’homme et la démocratie. En revanche, le droit international stipule clairement que chaque peuple a le droit à l’autodétermination, y compris le droit à l’indépendance. Ce qui est étonnant, c’est la contradiction entre ce que défend le Maroc en matière de Sahara Occidental et ce que prévoit le droit international, qui garantit aux Sahraouis le droit à l’autodétermination, un droit que ni le Maroc ni aucune autre puissance ne peut ignorer.

Le peuple marocain lui-même vit sous le régime de la bay’a, où il n’élit pas ses dirigeants, devenant ainsi des sujets dans un système monarchique absolu. La démocratie est pratiquement absente au Maroc, où les citoyens ne disposent d’aucun moyen réel de participation politique. Les élections et événements politiques sont souvent purement formels, utilisés uniquement pour légitimer le pouvoir en place.

Les tentatives de manipulation et d’espionnage pour protéger le système monarchique

Dans ce contexte, de nombreux acteurs internationaux ont tenté de se rapprocher des militants sahraouis, certains cherchant à comprendre le conflit sous différents angles, tandis que d’autres ont des intérêts spécifiques. Parmi ces acteurs, on retrouve certaines entités affiliées à Israël, qui ont tenté à plusieurs reprises d’infiltrer les militants sahraouis pour protéger le système monarchique, tout comme elles l’ont fait avec les opposants marocains.

Malgré ces tentatives, les Sahraouis ont su préserver leur indépendance intellectuelle et politique et ont refusé de s’engager dans des calculs politiques extérieurs qui nuiraient à leur cause juste. Leur message a toujours été clair : «Nous défendons nos principes et ne serons pas les instruments au service de stratégies dévastatrices sur le dos de causes justes.»

Refus de se lier à des agendas politiques particuliers

L’un des principes fondamentaux que défendent les militants sahraouis est le respect de la justice et du droit des peuples à l’autodétermination, sans se soucier des considérations politiques qui pourraient instrumentaliser ces causes. Nous soutenons le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, ainsi que son droit à l’existence, basés sur les principes de justice et d’égalité. Mais nous refusons d’être utilisés comme instruments pour servir des agendas qui nuiraient à nos droits et à notre histoire.

Les Sahraouis refusent de s’engager dans des calculs à court terme qui pourraient compromettre leur avenir. Leur lutte n’est pas seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir. Ils refusent de trahir leur identité sahraouie et cherchent à construire des relations solides avec les peuples du Maghreb, en particulier le peuple marocain, qui fait également face à de grandes difficultés sous le système monarchique.

La pression sur la question sahraouie : tentatives de chantage

Récemment, nous avons assisté à des tentatives de pression sur la cause sahraouie, dans le but de l’introduire dans des accords douteux, tels que le «deal du siècle» ou les Accords d’Abraham. Ces tentatives cherchent à exploiter les dynamiques politiques actuelles pour servir des intérêts particuliers. Cependant, nous croyons que conclure de tels accords au détriment de causes justes est une erreur stratégique. L’histoire de nombreux pays qui ont accepté de telles transactions montre clairement que ces politiques ne servent pas les peuples, mais les désavantagent.

Certaines de ces entités ont réussi à attirer certains opposants marocains en Europe et en Amérique, les transformant de simples opposants en agents au service de leurs agendas externes. Des employés des ministères marocains, notamment des Affaires étrangères, des Affaires religieuses, de l’Intérieur et des services de renseignement, sont devenus des instruments pour servir ces agendas, au lieu de défendre les intérêts du peuple marocain.

Conclusion

Les tentatives de manipulation et de falsification qui visent à marginaliser la cause sahraouie ne pourront jamais apporter la stabilité ni la justice. Le droit à l’autodétermination est un droit fondamental, et aucune tentative de l’ignorer ne pourra prospérer. Finalement, la liberté des peuples et la préservation de leur identité est la seule voie vers un monde exempt d’injustice et de haine, et vers un avenir commun pour les peuples du Maghreb, y compris le peuple marocain, qui mérite aussi un système démocratique qui reflète ses aspirations et ses espoirs.

M. E.

(*) Militant sahraoui des territoires occupés.

Comment (4)

    Mohamed El Maadi
    29 avril 2025 - 11 h 21 min

    Les contradictions de la bay’a et l’hypocrisie du droit international

    La bay’a, souvent présentée comme un système d’allégeance unilatéral, comporte en réalité une dimension contractuelle fondamentale. Ce pacte social islamique établit des droits et des devoirs réciproques entre gouvernants et gouvernés. Les oulémas ont historiquement souligné que ce serment d’allégeance devient caduc lorsque le pouvoir faillit à ses obligations : assurer des conditions de vie dignes au peuple et appliquer la charia.

    Le Maroc illustre parfaitement cette perversion du concept. Le régime s’approprie la légitimité religieuse de la bay’a tout en s’affranchissant des responsabilités qui en découlent. Cette hypocrisie religieuse traduit une volonté de cumuler les avantages du système traditionnel et ceux de l’État moderne, sans en assumer les contraintes.

    Dans le cas sahraoui, le droit international a clairement établi le principe d’autodétermination par référendum. Pourtant, son application révèle une réalité cynique : le droit international ne s’applique qu’en fonction des connivences idéologiques avec les puissances dominantes.

    Le concept même de « communauté internationale » s’avère être une mystification. Cette expression pompeuse ne désigne en réalité qu’un club très restreint de 4 à 6 pays qui s’arrogent le droit de parler au nom du monde entier. Si demain ces puissances décidaient de reconnaître l’occupation marocaine, les médias titreraient sans sourciller que « la communauté internationale reconnaît la marocanité du Sahara ».

    Face à cette instrumentalisation du droit, il devient urgent de construire un contre-pouvoir international fondé sur le respect strict des principes juridiques, loin des arrangements hypocrites qui brisent les aspirations des peuples. Un tel front permettrait de rééquilibrer un système international actuellement dominé par le cynisme des puissants.

    L’aspiration à l’indépendance, profondément ancrée dans le corps social sahraoui, ne peut être étouffée par des manœuvres diplomatiques. Cette conscience collective constitue un socle indestructible sur lequel peut se construire l’avenir de la lutte.

    Le défi se pose désormais à la jeunesse sahraouie. Le combat pour l’autodétermination se joue aujourd’hui principalement sur les terrains politique et diplomatique. C’est dans ces arènes internationales que se décidera l’avenir du peuple sahraoui, au-delà des garanties formelles d’un droit international trop souvent bafoué.

      Abou Stroff
      29 avril 2025 - 13 h 52 min

      « Le concept même de « communauté internationale » s’avère être une mystification. Cette expression pompeuse ne désigne en réalité qu’un club très restreint de 4 à 6 pays qui s’arrogent le droit de parler au nom du monde entier. Si demain ces puissances décidaient de reconnaître l’occupation marocaine, les médias titreraient sans sourciller que « la communauté internationale reconnaît la marocanité du Sahara ». » Dites vous!

      et pourtant, parlant des « ports de la mort » (voir article signé Mohamed El Maadi), vous avancez « Et la justice internationale pourrait bien se charger de transformer cette complicité en condamnation historique. »

      n’est il pas temps, pour vous de prendre position et d’arrêter de tourner rond, (…)

      moralité de l’histoire: il n’y en a aucune, à part que « la liberté des peuples et la préservation de leur identité » ne se trouve nulle part ailleurs qu’au bout du fusil des peuples concernés, le reste, tout le reste n’est que prose insipide pour niais confirmés.

      wa el efahem yefhem.

      Abou Stroff
      29 avril 2025 - 15 h 17 min

      « Le combat pour l’autodétermination se joue aujourd’hui principalement sur les terrains politique et diplomatique. C’est dans ces arènes internationales que se décidera l’avenir du peuple sahraoui, au-delà des garanties formelles d’un droit international trop souvent bafoué. » Dites vous!

      question à un doro: les terrains politique et diplomatique au seins desquels se décide l’avenir du peuple sahraoui, ne sont ils pas « gérés » par le droit international qui est …………………… « trop souvent bafoué »?

      réponse gratuite: il n’y en a aucune puisque mister el maadi avance une ………………..aporie et qu’une aporie est, par définition, une contradiction ……………… insoluble.

      wa el fahem yefhem

      PS: je ne comprends pas pourquoi le modérateur de AP supprime, à chaque fois, mes propos concernant la probabilité que les commentaires de el maadi ne soit que de l’IA déguisée!

    Anonyme
    28 avril 2025 - 19 h 03 min

    L’image montre le système d’apartheid dans le style du « Commandeur des croyants » du Makhzen.

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