Diplomatie truquée : quand les Etats-Unis jouent les arbitres avec le maillot israélien
Une contribution de Khaled Boulaziz – A Gaza, la mort ne prend pas de congé. Chaque jour, chaque nuit, sous les décombres, dans les hôpitaux éventrés, dans les cris silencieux des orphelins. Et pendant ce temps, à Washington, les «arbitres» du conflit continuent de parler de «processus de paix» avec la bouche pleine de sang.
Il faudrait être aveugle, sourd ou complice pour ne pas voir ce qui saute aux yeux : la diplomatie américaine est depuis des décennies un théâtre d’ombres, où les rôles principaux sur le dossier palestinien sont systématiquement attribués à des figures juives, fortement liées, par leur histoire, leurs convictions ou leurs affiliations, à l’Etat d’Israël.
Henry Kissinger, le stratège du cynisme, qui n’a jamais vu une dictature qu’il n’aimait pas tant qu’elle était «pro-Ouest». Madeleine Albright, qui a jugé «le prix en valait la peine» quand un demi-million d’enfants irakiens sont morts sous embargo. Antony Blinken, incarnation postmoderne d’une diplomatie froide, sourde aux cris de Gaza, fidèle serviteur d’un «ordre international fondé sur des règles»… mais seulement quand Israël ne les transgresse pas.
Et puis il y a les envoyés spéciaux – ces émissaires censés porter la voix d’un empire neutre, alors qu’ils viennent porteurs de la mémoire sioniste, des accointances communautaires et, parfois même, des financements directs de la colonisation. Dennis Ross, architecte d’une «paix» toujours ajournée, toujours biaisée. Martin Indyk, ancien de l’Aipac, deux fois ambassadeur en Israël. Jason Greenblatt, envoyé par Trump pour «négocier»… en compagnie de Jared Kushner, gendre du président et financier des colonies en Cisjordanie. David Friedman, ambassadeur et avocat militant de la droite israélienne. Steve Witkoff, l’homme d’affaires sans diplomatie, fraîchement parachuté, dont le seul mérite est de parler «comme Trump» et de croire, dur comme béton, que la paix passe par les tours à Jérusalem et le silence de Gaza.
La neutralité ? Un simulacre. L’objectivité ? Une farce. La paix ? Un slogan pour congrès. Peut-on imaginer un seul instant que les Etats-Unis auraient confié la gestion du dossier Ukraine à une série d’envoyés russes ? Ou la question arméno-azérie à une délégation 100% turque ? Pourquoi alors, dans le cas palestinien, cette mascarade dure-t-elle depuis des décennies, dans l’impunité la plus totale ?
Parce que la mort palestinienne n’indigne plus. Parce qu’elle est intégrée dans l’équation stratégique. Parce qu’elle est rentable. Gaza meurt chaque jour, pas malgré ces médiateurs, mais à cause d’eux. Leurs rapports «objectifs», leurs sourires crispés lors des «rounds de négociations», leurs appels creux à la «retenue»… Ce sont les rideaux qui cachent l’agonie. Ce sont les mots qui enterrent les vivants.
Depuis le début, tout est faussé. Les Accords d’Oslo ? Une fiction où Israël posait les conditions et où l’Amérique faisait semblant d’écouter. Les fameuses «tables de dialogue» ? Des tables penchées, où l’occupant parle le premier, et la victime repart avec une promesse vide. Le sang palestinien, lui, ne signe pas de traités. Il tache. Il crie. Il n’oublie pas.
Les Etats-Unis ne sont pas des arbitres. Ils sont juges et parties. Ils financent, ils arment, ils couvrent, ils empêchent les condamnations à l’ONU. Ils offrent l’impunité en prime, le veto en bonus, la reconnaissance diplomatique en cadeau. Et ils nous servent leurs envoyés juifs comme garants d’un «équilibre» imaginaire, alors qu’il ne reste plus rien à équilibrer.
Il ne s’agit pas d’ethnicité, mais d’hégémonie. Quand tous les médiateurs appartiennent au même monde culturel, religieux ou politique que l’oppresseur, il ne faut plus parler de paix, mais de gestion coloniale. C’est une commission d’armistice entre le bourreau et son ombre.
La mort a élu domicile à Gaza, depuis bien longtemps. Ce n’est pas un accident. C’est une stratégie. Un ordre imposé, une paix par soumission. Et tant que les médiateurs auront le même passeport moral que les chars qui rasent Rafah, il n’y aura ni paix ni justice. Seulement le silence des cimetières et le mensonge diplomatique.
K. B.
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