L’illusion impériale
Par Sid-Ali Mokhefi – Le 24 juin 2025, en route pour le sommet de l’Otan à La Haye, le président américain, Donald Trump, a publié sur sa plateforme Truth Social un message aussi abrupt que révélateur : «La Chine peut désormais continuer à acheter du pétrole à l’Iran. Avec un peu de chance, ils achèteront aussi plein de pétrole américain.»
A première vue, cela ressemble à une autorisation officielle. Mais à bien y regarder, ce n’est ni un accord formel, ni une levée de sanctions, ni un changement de doctrine. C’est une déclaration politique unilatérale, lancée depuis les airs, sans cadre juridique, sans coordination avec ses alliés, et sans consultation du Congrès.
Depuis des années, la Chine continue d’acheter du pétrole iranien, en grande partie via des circuits discrets et des montages financiers alternatifs. Les sanctions américaines n’ont pas empêché ces flux. Elles ont simplement rendu le commerce plus opaque. Pékin n’a pas demandé d’autorisation. Elle a agi selon ses intérêts. Ce que Trump fait ici, c’est reprendre verbalement la main sur une réalité qu’il ne contrôle plus. Il affirme autoriser un fait déjà établi, dans une tentative de montrer que l’Amérique reste le centre du jeu. Mais personne n’est dupe : ce n’est pas une permission, c’est une mise en scène.
Le vrai message de Trump n’est pas dirigé contre l’Iran, ni vers la Chine. Il est destiné au reste du monde : faire croire que tout passe encore par Washington. Mais dans les faits, les équilibres changent. La Chine, l’Iran, l’Inde, les pays du Golfe, la Russie… tous avancent leurs intérêts sans attendre de feu vert américain. Ce sont des Etats souverains, avec des stratégies propres.
Et l’Afrique dans tout ça ? Comme l’a rappelé Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères : «L’Afrique doit être partie prenante des mutations mondiales.» Cela commence par une chose simple : ne plus attendre de validation extérieure. Si la Chine peut commercer avec l’Iran malgré les sanctions, pourquoi l’Afrique hésite-t-elle à bâtir ses propres corridors économiques, ses propres accords énergétiques, ses propres plateformes d’échange ? Pourquoi se placer toujours en marge, alors que le monde bouge à grande vitesse ?
Ce que Trump dit n’a de sens que pour ceux qui y croient. Ce n’est pas un tournant historique. Ce n’est pas un aveu. Ce n’est même pas une décision. C’est un message de propagande politique, envoyé dans un format médiatique, pour créer l’illusion que l’Amérique dirige encore l’échiquier. Mais le jeu est ouvert. Et il se joue désormais à plusieurs.
S.-A. M.
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