Visite de Tebboune à Rome : comment l’Algérie et l’Italie redessinent les lignes de passage entre l’Europe et l’Afrique
Par Sid-Ali Mokhefi – Un tournant s’est joué à Rome. En signant une trentaine d’accords structurants, l’Algérie et l’Italie n’ont pas seulement renforcé une coopération bilatérale. Ils ont redessiné les lignes de passage entre l’Europe et l’Afrique, en ouvrant deux portes stratégiques. L’Algérie devient la porte sud vers l’Afrique, et l’Italie la porte nord vers l’Europe. Ce binôme, Rome-Alger, s’impose désormais comme le cœur actif d’une Méditerranée recomposée. L’Algérie est devenue incontournable. Aucun projet énergétique, logistique ou sécuritaire en Méditerranée ne peut aujourd’hui se concevoir sans elle.
Dans cette architecture géopolitique, géoéconomique et géostratégique, l’énergie ne joue pas un rôle annexe. Elle en est le levier central. Le contrat sur l’hydrogène vert (SoutH₂), les centrales solaires algériennes, les interconnexions via ENI, et surtout le câble sous-marin signé entre Algérie Télécom et Sparkle, filiale de Telecom Italia, dessinent les prémices d’un réseau énergétique et numérique souverain. Loin d’être secondaires, ces infrastructures sont au contraire les piliers d’une économie verte réelle, pilotée depuis l’Algérie et connectée à l’Europe. Le solaire, le câble, la donnée : c’est le nouveau triptyque de puissance. Et l’Algérie, forte de sa position, s’apprête à élargir cet axe stratégique vers l’Espagne et le Portugal, complétant le flanc sud-ouest de l’Europe avec des relations énergétiques et industrielles fondées sur la complémentarité et la confiance.
Ce qui frappe, c’est que ni la France ni l’Allemagne n’ont su occuper cette place. Trop politiques, trop tardives, trop hésitantes, leurs approches se sont heurtées à une Algérie plus lucide, plus libre, plus structurée dans ses choix. L’Italie, elle, a compris. Elle ne parle pas en surplomb. Elle propose, elle échange, elle mise. Et elle gagne.
L’Union européenne, pendant ce temps, entame une procédure d’arbitrage contre l’Algérie, piégée dans une logique dépassée. Paris proteste, Berlin observe, Bruxelles s’agite. Mais les flux réels, eux, changent de cap. Le gaz algérien alimente l’Italie, les projets solaires s’ancrent dans le désert, les forums économiques s’installent à Alger, et les données s’apprêtent à transiter sous la Méditerranée via des câbles qui échappent à l’ancien ordre. L’Algérie est désormais une puissance de passage, une puissance de connexion, une puissance de stabilisation.
Ce que la France a perdu, l’Italie est en train de le gagner. Mais, plus encore, ce que l’Europe centrale croyait contrôler, l’Algérie l’a repris en main. Elle n’attend plus l’autorisation d’agir, elle construit son propre couloir énergétique, sa propre alliance, sa propre logique territoriale. Ce n’est plus un simple partenaire sud-méditerranéen. C’est un nœud stratégique incontournable, au croisement de la sécurité, de l’énergie, du numérique et de l’intégration régionale.
Et s’il fallait un symbole pour résumer ce basculement, ce serait cette image simple : une porte au nord, une porte au sud. L’Italie regarde vers l’Afrique. L’Algérie regarde vers l’Europe. Et, au milieu, une Méditerranée qui n’est plus dominée, mais partagée. A l’horizon, l’Espagne et le Portugal s’alignent déjà. Le mouvement est lancé.
S.-A. M.
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