Renforcer la souveraineté numérique face à la désinformation : enjeux, défis et recommandations

cybersécurité
La cybersurveillance, une arme efficace contre les fake news. D. R.

Une contribution du Dr Amir Djenna(*) – L’organisation de l’atelier régional du Comité des services de renseignement et de sécurité d’Afrique (CISSA), consacré à l’impact croissant de la désinformation sur la stabilité des Etats, a constitué une plateforme stratégique d’échanges sur les menaces posées par les fake news et les campagnes de manipulation de l’information à l’encontre de la sécurité nationale et régionale.

Dans un contexte international de plus en plus marqué par les conflits hybrides, la désinformation s’est imposée comme un levier stratégique de déstabilisation des Etats. L’émergence de la guerre cognitive, utilisant les plateformes numériques pour semer le doute, manipuler l’opinion publique et affaiblir la cohésion sociale, pose de nouveaux défis aux gouvernements, aux institutions de sécurité, et à la société civile dans son ensemble. La prolifération des fausses informations est facilitée par l’usage massif des réseaux sociaux et l’accès libre à la diffusion de contenus, souvent sans filtre. L’entrée d’un large public non averti dans l’espace numérique rend la tâche encore plus complexe. Ces utilisateurs, souvent sans formation adéquate sur la vérification de l’information, deviennent des relais involontaires des campagnes de désinformation.

Cette situation impose une réponse coordonnée entre services de renseignement, forces de sécurité, institutions médiatiques et plateformes numériques. L’une des réponses les plus pertinentes réside dans l’établissement d’un dispositif institutionnel de veille et d’analyse des flux d’information. Il est urgent de mettre en place des mécanismes opérationnels, basés sur l’intelligence artificielle, capables de détecter en temps réel les contenus suspects, les campagnes organisées et les comportements automatisés. Ces outils doivent s’intégrer dans une architecture nationale d’alerte rapide, interconnectée avec les cellules de crise sécuritaire.

Parallèlement, un cadre légal solide est indispensable. La création d’un Code ou d’une Charte nationale, voire régionale, de lutte contre la désinformation permettrait de poser les fondements juridiques nécessaires pour poursuivre les auteurs de contenus malveillants, tout en garantissant le respect des libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression. Ce cadre devrait également prévoir des protections spécifiques pour les lanceurs d’alerte et les journalistes d’investigation.

La mise en place d’une politique publique de sensibilisation à la culture numérique est tout aussi cruciale. Cela implique l’introduction de modules d’éducation aux médias dans les programmes scolaires, la mobilisation d’influenceurs et d’acteurs de la société civile pour porter des campagnes d’information crédibles, ainsi que l’organisation d’ateliers de formation pour les journalistes et les utilisateurs actifs des réseaux sociaux.

Enfin, la constitution d’un front national résilient passe par la création d’une alliance stratégique entre les institutions étatiques, le secteur privé technologique, les chercheurs et les experts. Une telle synergie est nécessaire pour développer une doctrine de cybersécurité souveraine, fondée sur la connaissance du terrain, la coopération internationale et la réactivité opérationnelle.

Le renseignement numérique, la cybersurveillance préventive, ainsi que la diplomatie technologique deviennent alors les piliers d’une réponse efficace aux menaces silencieuses qui pèsent sur l’ordre public et la souveraineté nationale.

A. D.

(*) Expert et spécialiste en cybersécurité

Comment (3)

    Les Actes concrets , les plans et le TRAVAIL
    30 avril 2025 - 14 h 10 min

    Dépasser les EFFETS D’ANNONCE et des SLOGANS
    Il est temps de mettre les BONS EXPERTS au TRAVAIL avec des PLANNINGS , des BUDGETS et des OBJECTIFS Clairs sur 3 ans , 5 ans et 10 années

    Diplomate
    28 avril 2025 - 17 h 41 min

    C’est la plus grosse lacune du pays. Et actuellement une lacune fatale. On a récemment vu une poignée de youtubeurs maliens et camerounais un peu surexcités et disposant de moyens rudimentaires mobiliser la moitié de l’Afrique contre nous avec une facilité déconcertante. En face il n’y a rien ou presque. Peu de journaux, très peu de sites (même AP est censuré en Algérie), une cacophonie sur les réseaux sociaux…
    Inutile d’évoquer les légions de trolls du Makhzen qui pullulent et ont envahi tous les espaces où il est question de l’Algérie.
    Beaucoup d’entre-nous ont tenté d’alerter depuis longtemps mais ceux qui tentent de remédier à cette situation sont considérés officiellement comme des « fous », des  » cinglés  » et ne sont jamais pris au sérieux.

      Mohamed El Maadi
      1 mai 2025 - 7 h 21 min

      La mobilisation des Algériens sur le net est très forte et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Voyez-vous, parfois AP publie mes commentaires et dernièrement l’un d’eux s’est retrouvé sur la toile pour débattre des « incohérences » de mon article. De ce fait, il a indirectement fait de la publicité pour AP et je ne suis qu’un contributeur lambda, alors imaginez quand les vrais journalistes d’AP publient !

      AP s’est d’ailleurs imposé comme une référence incontournable dans le paysage médiatique francophone, au point que le magazine « Le Point » reprend ses articles sous le titre « Le très souverainiste Algérie Patriotique ». Sa censure en Algérie, paradoxalement, renforce sa crédibilité auprès du public qui y voit un gage d’indépendance éditoriale.

      Le Blog de Mohsen Abdelmoumen s’inscrit dans cette même dynamique, avec des analyses approfondies régulièrement reprises et débattues sur la toile. Cette réalité démontre la force de notre présence numérique et l’impact significatif de nos médias alternatifs.

      Le poids d’AP est donc considérable. Sa censure en Algérie (contournable par VPN) renforce sa position et lui confère un réel pouvoir de négociation pour une éventuelle réintégration dans le paysage médiatique algérien.

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