Hommage au travail multidisciplinaire de Gilles Saigne : «Le peu et le rêve» face à l’ère du trop

Gilles Saigne
L'exposition artistique intitulée «Le peu et le rêve». D. R.

Par Jean-Noël Cuénod – A Ribérac, dans le sud-ouest de la France, une exposition artistique intitulée «Le peu et le rêve» rend hommage au travail multidisciplinaire de Gilles Saigne –peintre, sculpteur, écrivain et musicien. Une performance dansée, intitulée «Ephémère», conçue par la chorégraphe Christine Zwingmann sur une musique de Saigne, a également été présentée dans le cadre de cette exposition, en juillet 2025.

Cette œuvre collective pose une question essentielle : dans un monde saturé d’images, de sons, d’opinions et de désirs amplifiés, comment redonner sens à la simplicité, au silence, à l’imaginaire personnel ? Le peu, ici, est moins une limitation qu’une résistance à l’envahissement du trop.

La chorégraphe Christine Zwingmann ouvre la présentation de l’exposition par ces mots : «Lorsque je danse, ma vision du réel change. Mon corps agit avant ma pensée. La danse est un état qui me conduit à entamer un dialogue spirituel avec le spectateur.»

Sa performance «Ephémère» repose sur un constat douloureux mais lucide : rien ne dure, surtout pas le bonheur. La chorégraphie devient alors une métaphore du temps qui passe, de la mémoire et de ce que l’art peut transmettre malgré la fragilité de l’instant.

A travers ses œuvres, Gilles Saigne exprime une résistance à double dimension.

D’abord une résistance sociétale, contre une époque dominée par la surabondance. Nous vivons dans une ère où tout est trop : trop bruyant, trop rapide, trop spectaculaire. L’exagération s’est infiltrée dans tous les domaines : les médias, la politique, le sport, jusqu’à devenir une forme d’hystérie collective. Le «toujours plus» semble être la norme, au détriment de la réflexion, du silence, du doute.

Ensuite, une résistance métaphysique. A force de rechercher des plaisirs immédiats, l’être humain perd contact avec son intériorité – ce noyau spirituel, cette «étincelle divine» qui relie chacun à quelque chose de plus vaste que lui. Or, c’est précisément par le rêve, par l’art, par le peu, que l’on peut renouer avec cette part oubliée.

Cette démarche artistique s’inscrit dans une tradition ancienne. Non loin de Ribérac, en 1940, le poète Louis Aragon rédigeait La Leçon de Ribérac, un texte fondateur de la résistance culturelle au nazisme. L’écrivain y évoquait le troubadour Arnaud Daniel, seigneur de Ribérac, comme figure de la finesse poétique face à la brutalité idéologique.

Aujourd’hui, d’autres formes de domination menacent l’imaginaire collectif : consumérisme, nihilisme, uniformisation globale. Et c’est toujours l’art – sous ses formes les plus simples et les plus sincères – qui nous offre des moyens de résister.

Le trop mène au vide. Le peu, nourri par le rêve, peut encore nous sauver du précipice. L’exposition de Gilles Saigne et la performance de Christine Zwingmann ne donnent pas de réponses toutes faites. Elles invitent chacun de nous à retrouver une relation sensible avec le monde, à réapprendre à voir, à écouter, à ressentir – et à rêver.

J.-N. C.

Pour Algeriepatriotique

Comment (3)

    Anouar Macta
    30 août 2025 - 18 h 20 min

    (…)
    Le 29 juillet 2025, un homme s’est encore acharné sur la statue d’Aïn El Fouara, à Sétif. Le marbre a volé en éclats, le visage a été mutilé. La scène, dérisoire et tragique, a fait le tour des réseaux sociaux. On aurait dit un autodafé moderne : au lieu de brûler des livres, on frappe une statue, au nom d’une foi mal comprise. Mais l’Algérie n’a pas besoin d’autodafés.

    (…)Érigée en 1898 par Francis de Saint-Vidal, Aïn El Fouara fut dès l’origine une provocation. La nudité de la femme, exposée au cœur d’une ville musulmane, relevait de l’affirmation coloniale : montrer que la France pouvait imposer sa culture et ses symboles. Mais plus d’un siècle plus tard, le sens a changé. La statue est entrée dans l’histoire locale. Elle est devenue symbole vivant, partie du paysage et du cœur des Sétifiens.

    La mémoire a ses ironies : ce qui fut provocation est devenu patrimoine.

    (…)Il est bon de rappeler aux prédicateurs et à leurs disciples cinglés une vérité historique. Depuis le sénatus-consulte de 1865, un « indigène musulman » pouvait demander la nationalité française. Mais pour cela, il devait renoncer à son statut personnel, c’est-à-dire au droit musulman. Traduction : devenir Français supposait de quitter l’Islam.

    Résultat ? En plus d’un siècle, seuls **7 000 Algériens** firent ce choix. Sept mille sur des millions. C’est dire la solidité de ce peuple, qui a préféré l’exclusion civique à l’apostasie. Voilà la vraie leçon : l’Algérien est plus costaud que cela. Ni une statue nue, ni une fontaine coloniale ne corrompront sa foi.

    (…)Ce qui choque, ce n’est pas tant le marteau d’un fanatisé que le **silence des élites savantes**. Les historiens, les philosophes, les sociologues algériens n’ont pas pris position. Ils ont laissé le débat aux prêcheurs de rue, aux « Pierre l’Ermite » modernes, qui excitent les foules et transforment une statue en scandale. Le pays mérite mieux qu’un vacarme d’ignorance et une élite muette.

    (…)Aïn El Fouara ne corrompt pas l’Algérien. Elle ne menace ni sa foi, ni sa dignité. Elle rappelle simplement que l’histoire ne s’efface pas à coups de marteau. L’autodafé est une mécanique de lâches : on brûle parce qu’on ne sait pas répondre, on détruit parce qu’on ne sait pas expliquer.

    Il est temps que l’Algérie tourne la page de ces gesticulations obscurantistes. Car son peuple, plus fort que la pierre, plus solide que la censure, a déjà prouvé que sa foi et son identité n’avaient jamais vacillé.

    Anonyme
    26 juillet 2025 - 16 h 15 min

    « L ‘ Ère du Trop » . Est il trop tard pour revenir au «  Peu et le Rêve » ?? . Certains , LIBRES ou s étant Libérés , ont franchi le Seuil avec détermination . Il faudrait peut être leur donner la Parole et surtout Élargir leur Audience . La Technologie actuelle le permet aisément . Car comment croyez vous que « l Ère du Trop » à squatté le Mental collectif ?

    Fodil Dz
    26 juillet 2025 - 11 h 20 min

    Gilles Saigne. Cet artiste multidisciplinaire s’expose dans « Le peu et le rêve ». Le sud-ouest de la France. Ribérac. Un hommage. Faut que ça saigne! Une performance « Éphémère » signée Christine Zwingmann. Faut que ça swing! Grâce à la danse s’ouvre des dimensions parallèles permettant de rentrer en contact avec « le dit vin » qui est en « aile ». L’ivresse spirituelle. Un jeu dédié à la maîtresse des lieux. Les règles prennent forme quand le souffle vient perturber la matière. La matière. Elle est marron. L’haleine du rouge sort de la masse. Bonjour. Un verre ça va. Trois, vers les dés gars. Elle se lance et s’élance. Son corps précède sa pensée. Ça arrive. Elle est saisie. Ça saigne! Elle drape son corps de ses plus belles qualités. Elle donne du sens à sa pratique culturelle par l’acte. Elle fait résonner son esprit sur les mouvements de son corps. Le signifié se mêle au signifiant. Le corps entre enfin en transe. Le final. Ça s’enfile, se sent folle et s’envole. Elle se tend et se couche. Elle se couvre. Cette fois-ci en torchon. Un fond rouge où se pose un symbole. Un défi. Satan nique en vert. Elle se réveille. C’était en fait un cauchemar …

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