Comment l’UE évitera la vassalisation américaine en se tournant vers l’Algérie
Par Sid-Ali Mokhefi – Il n’y a pas de hasard dans le tumulte actuel entre Washington et Bruxelles. Ce qui se joue n’est pas une simple querelle tarifaire, mais un bras de fer orchestré depuis longtemps. L’Europe, affaiblie par la désindustrialisation, la dépendance énergétique et la lenteur de ses institutions, se retrouve face à un Trump qui n’a pas besoin de hausser le ton pour imposer ses conditions. Il lui suffit d’agiter la menace de tarifs douaniers massifs pour que l’UE se mette en ordre de marche, prête à accepter des concessions.
L’Europe paie le prix de son incapacité à anticiper. L’ère du gaz russe bon marché est révolue, et le continent se tourne désormais vers un GNL américain coûteux, acheté à la condition implicite de suivre la ligne stratégique de Washington. Les Etats-Unis ont méthodiquement construit ce rapport de force : subventions massives à leurs industries, relocalisations protégées par des barrières tarifaires et pressions diplomatiques sur l’UE pour qu’elle se cantonne à un rôle de marché captif.
Face à la Chine, Trump veut une Europe docile, incapable de négocier en indépendante. Et, face à la Russie, l’Union européenne n’a plus les moyens d’assumer seule le coût du conflit ukrainien. La dépendance militaire et énergétique à l’égard des Etats-Unis est désormais une réalité structurelle. Ce n’est pas une alliance équilibrée, c’est une relation de vassalisation douce.
Pourtant, une brèche existe. L’Italie, l’Espagne et le Portugal se tournent vers l’Algérie, consolidant un axe énergétique méditerranéen capable de réduire la pression américaine. Alger, par ses ressources gazières et son ambition de devenir un hub énergétique, dispose de cartes qu’aucun autre pays du Sud ne possède. Si cette coopération se renforce, elle pourrait dessiner un nouveau corridor stratégique – une Méditerranée qui s’organise sans attendre les injonctions de Washington ou de Bruxelles.
Les prix du pétrole et du gaz illustrent cette recomposition. Le Brent oscille entre 70 et 85 dollars, mais la moindre tension géopolitique peut le propulser au-delà de 95 dollars. Le gaz, lui, reste volatile : l’Europe, privée de leviers, est condamnée à subir la fluctuation des marchés internationaux jusqu’à l’arrivée du tsunami de GNL prévu en 2026. Les prochains mois seront donc déterminants : soit l’Union européenne choisit de s’émanciper en diversifiant ses alliances, soit elle accepte de rester un simple pion dans la confrontation entre Washington et Pékin.
Ce qui se dessine est clair : le monde bascule vers une ère de blocs fermés, où l’énergie et le commerce sont des armes. Trump le sait. La Chine avance en silence, la Russie affaiblit l’Europe par la périphérie, et les pays du Sud, dont l’Algérie, peuvent tirer profit de cette recomposition en se plaçant comme fournisseurs incontournables et partenaires équilibrés. A l’Europe de savoir si elle veut rester spectatrice de sa propre marginalisation.
S.-A. M.
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