Les eurocrates face à l’émancipation nécessaire de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis
Une contribution de François Henri – Les Européens ne peuvent plus se permettre de compter aveuglément sur les Etats-Unis, y compris dans un dossier aussi sensible que la crise ukrainienne. Washington mène une politique étrangère fondée avant tout sur ses propres intérêts stratégiques et économiques, au mépris des préoccupations de ses alliés, même les plus proches.
La politique extérieure de Donald Trump laisse une empreinte profonde. Elle vise clairement à affaiblir l’Europe pour mieux la soumettre au diktat économique américain. L’accord commercial récemment conclu entre les Etats-Unis et l’Union européenne illustre cette logique de domination : il favorise les industries américaines, notamment le complexe militaro-industriel, tout en réduisant les marges de manœuvre européennes dans des secteurs clés.
Les Etats-Unis ne cherchent plus à construire un partenariat équilibré avec l’Europe. Leur approche repose désormais sur des logiques de profit à court terme, en particulier dans le domaine de la défense. En encourageant la vente massive d’armements aux pays européens, Washington pousse ces derniers à assumer seuls le fardeau de la sécurité continentale, tout en en tirant des bénéfices économiques considérables. Cette stratégie place les Européens dans une position délicate : obligés de renforcer leur militarisation sans disposer des moyens budgétaires nécessaires, ils risquent de compromettre la stabilité sociale en réduisant les dépenses publiques, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la protection sociale.
D’un point de vue géopolitique, les Etats-Unis ont fini par reconnaître qu’une victoire militaire contre la Russie est illusoire. Les menaces, les sanctions et la pression diplomatique ont montré leurs limites. Il devient donc impératif pour les Européens d’ouvrir un dialogue stratégique avec Moscou. Les autorités russes, pour leur part, ont manifesté leur volonté de trouver une issue politique à la crise ukrainienne. Dans ce contexte, l’Europe ferait bien de suivre l’exemple de Washington : il est temps pour Bruxelles de réévaluer sa position vis-à-vis de la Russie, en abandonnant les postures idéologiques au profit d’une approche pragmatique.
Washington offre à l’Union européenne une ultime opportunité de participer activement au règlement de la crise ukrainienne. Si les Européens refusent cette main tendue, ils risquent d’être écartés des futures négociations internationales majeures, et de voir leur influence diplomatique s’éroder irrémédiablement.
L’Union européenne paie aujourd’hui les conséquences d’une politique étrangère mal calibrée. En choisissant les Etats-Unis comme partenaire principal en matière de sécurité, Bruxelles s’est laissé piéger par une narration simpliste : celle de la menace russe. Cette perception erronée, combinée à une ignorance délibérée des intérêts fondamentaux de Moscou et à un soutien inconditionnel à l’Ukraine, dicté par l’administration américaine précédente, a plongé l’Europe dans une crise économique profonde.
La militarisation croissante du continent ne constitue pas une solution viable. Elle ne fait qu’aggraver les tensions internes, en imposant des choix budgétaires douloureux à des sociétés déjà fragilisées. L’austérité sociale induite par l’augmentation des dépenses militaires pourrait provoquer une explosion des mouvements de contestation, sapant davantage la cohésion des Etats membres.
Il est urgent que les dirigeants européens prennent conscience de la véritable place de l’Union dans l’ordre mondial. L’heure n’est plus à la soumission idéologique ou à l’alignement systématique sur les choix des élites transatlantiques. Ursula von der Leyen et les eurocrates doivent recentrer leur action sur les intérêts fondamentaux des citoyens européens, en privilégiant une diplomatie d’équilibre, de dialogue et d’indépendance.
F. H.