Entretien avec Sofiane Djilali : «Les ex-dirigeants du FIS ont été invités à titre d’hommes politiques»

Algeriepatriotique : Quel bilan faites-vous de la Conférence sur la transition démocratique ? A-t-elle atteint ses objectifs, selon vous ?

Algeriepatriotique : Quel bilan faites-vous de la Conférence sur la transition démocratique ? A-t-elle atteint ses objectifs, selon vous ?
Sofiane Djilali : Franchement, oui ! L’idée était de créer un choc psychologique pour dépasser les anciennes crispations, peurs et incompréhensions entre les uns et les autres. La situation du pays est telle qu’il est exigé de la classe politique le dépassement de ses contradictions. L’Algérie est maintenant face à un problème existentiel. Etre ou ne pas être, là est la question. Avons-nous le droit de tergiverser dans des débats byzantins alors que le pays a besoin d’un nouveau départ ? En tous les cas, l’essentiel est là : une classe politique consciente des enjeux, d’accord sur le diagnostic et engagée à trouver des solutions en commun. Mais une fois que l’on a dit cela, tout est à faire maintenant. Gagner une bataille n’est pas gagner la guerre. Nous revenons de très loin. Réussirons-nous à provoquer le changement salutaire ? La volonté est là. Ce n’est pas encore suffisant. Mais à chaque jour suffit sa peine !
La participation d’anciens dirigeants du FIS à cette conférence suscite des inquiétudes chez ceux qui ont combattu les thèses de ce parti. Croyez-vous qu’une alternative démocratique doit impliquer la réhabilitation de cette mouvance et de ses symboles ?
Des inquiétudes ? Oui, je le sais et c’est normal. Les blessures sont encore là, douloureuses et vives. De toutes les façons, l’Algérie doit regarder en face ses problèmes et ne pas faire la politique de l’autruche. Sur la forme, ces ex-dirigeants du FIS ont été invités à titre d’hommes politiques et non au titre du FIS qui, lui, a été dissous par la loi. Lors de notre rencontre en tant que Coordination des partis pour préparer la conférence, avec Ali Djeddi et Kamel Guemazi, mais aussi sur un canal TV proche de cette mouvance, j’ai clairement dit que l’ex-FIS avait un contentieux avec l’Etat mais aussi avec une partie de la société. Et ce n’est pas à nous en tant que Coordination de résoudre ce problème. D’un autre côté, on ne peut exclure du champ politique des personnes qui ont une influence politique certaine. La faute, par contre, a été commise par la présidence qui a invité Madani Mezrag pour discuter de la révision de la Constitution. Pour retrouver la sérénité dans la société, il faut se parler. Par ailleurs, les anciens dirigeants du FIS savent aussi qu’ils n’ont plus les moyens politiques de remettre en selle leur ancien parti avec les anciennes modalités. Il faut les aider à sortir de leur prison idéologique et les inscrire définitivement dans le cadre d’un Etat de droit, en proscrivant radicalement le maniement de la violence physique ou verbale. La société algérienne a beaucoup évolué. Il ne faut plus vivre sur les anciens schémas. Mais il faut également retenir les leçons, sachant que les mêmes causes entraînent les mêmes effets. Au final, je pense qu’on aboutira, d’une façon ou d’une autre, à la création de nouveaux partis politiques pour certains anciens du FIS, mais dans un cadre légal, contraignant comme pour tous.
Le pouvoir est décidé à mener son projet relatif à la révision constitutionnelle, quelle que soit l’attitude de l’opposition. Qu’envisagerez-vous de faire dans les prochains jours ?
Le programme est tout tracé. La Coordination se réunira dans les prochains jours pour tirer toutes les conclusions concernant la conférence du 10 juin. Puis elle entamera la réalisation des objectifs définis par la résolution adoptée à la fin des travaux de celle-ci, c’est-à-dire relancer les contacts avec les uns et les autres pour aller vers une superstructure regroupant la Coordination mais également d’autres partenaires.
Quel nom prendra cette structure ?
Nous verrons ensemble, comme «conseil consultatif de l’opposition» ou «conférence nationale de l’opposition», l’essentiel est que cette structure sera co-construite avec tous les concernés. A partir de ce moment, c’est cette nouvelle entité qui se chargera d’organiser les prochaines étapes. Quant à la révision constitutionnelle voulue par le pouvoir, je pense qu’elle a d’ores et déjà perdu de son effet. Elle apparaîtra aux yeux des Algériens comme une tentative désespérée pour sauver le soldat… Bouteflika. Vous savez, les empires finissent souvent non pas au terme d’une guerre, mais juste lorsque les gens n’y croient plus. Le régime algérien a perdu tout crédit aux yeux des Algériens. Il n’a plus aucune autorité morale. Seuls les forces et l’argent le maintiennent debout. Pour combien de temps encore ?
Propos recueillis par R. Mahmoudi

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