Le FMI en embuscade

L’une des premières décisions importantes, à portée stratégique, du gouvernement égyptien, annoncée par le ministre des Finances, a été d’appeler le Fonds monétaire international à venir se mêler des affaires économiques – et donc politiques – de l’Egypte. Car ce que l’on entend par «négociations pour un prêt» est tout simplement la définition des fameuses «conditionnalités» qui traduisent la mise sous dépendance de l’Egypte à des intérêts extérieurs à ceux de son peuple. Notons au passage cette entorse faite par un gouvernement «frère musulman» à un des «fondamentaux» de ce mouvement : le rejet sans ambiguïté de l’usure. Or, le FMI n’est rien d’autre qu’un usurier. Au début de cette année, l’Égypte a déposé une demande officielle de prêt d’un montant de 3,2 milliards de dollars sous prétexte de soutenir la transformation économique. Le FMI avait exigé en retour la dévaluation de la livre égyptienne et la réduction de l'aide d'État aux industries de raffinage du pétrole et de la production alimentaire dans le cadre de «réformes structurelles». L’accord qui devait être conclu a été retardé par le contexte des élections présidentielles. Tout est visiblement rentré dans l’ordre depuis l’arrivée des Frères Musulmans au pouvoir. Le FMI peut maintenant annoncer l’envoi ce mois-ci, au Caire, d’une délégation pour reprendre les négociations, c'est-à-dire, traduit en clair : dicter les injonctions aux nouvelles autorités égyptiennes. Officiellement, c’est le gouvernement égyptien qui invite le FMI. L’économie égyptienne passe sous la direction du FMI. C’est un des premiers fruits pourris produit par le printemps arabe. Pour la Tunisie, c’est idem. Le FMI veut prendre les commandes de l’économie tunisienne qui devra tourner le dos aux revendications sociales des pauvres gens qui se sont soulevés pour chasser Ben Ali. Même démarche en Libye où le FMI s’attaque aux «acquis» de l’époque Kadhafi : la création d’emplois dans le secteur public et la redistribution des revenus pétroliers. L’argent du pétrole libyen ne doit plus profiter aux Libyens mais aux Occidentaux. A l’autre bout de l’Afrique du nord, selon la terminologie utilisée par les Occidentaux, le Maroc s’achemine à grands pas vers le piège tendu par le FMI qui a ouvert à ce pays voisin une ligne «spéciale» de crédit de 6,2 milliard de dollars. Il suffira aux manipulateurs d’exercer un «choc externe» pour que le royaume soit contraint d’y puiser et de s’enliser dans l’endettement extérieur. L’Algérie n'a dû son salut qu'à une hausse – momentanément salvatrice – des prix du pétrole.
Ramdane Ouahdi