Comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes

L’Union européenne importe quinze fois plus de marchandises des colonies illégales israéliennes que des Palestiniens, révèle un rapport publié par 22 organisations non-gouvernementales, dont le CCFD-Terre Solidaire et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

L’Union européenne importe quinze fois plus de marchandises des colonies illégales israéliennes que des Palestiniens, révèle un rapport publié par 22 organisations non-gouvernementales, dont le CCFD-Terre Solidaire et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).
Intitulé «La paix au rabais : comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes illégales», ce rapport est le premier à comparer les données d’exportations disponibles concernant les colonies israéliennes et les territoires palestiniens occupés. Il souligne les contradictions de la politique de l’Union européenne. L’Union européenne a pourtant déclaré que «les colonies sont illégales au regard du droit international, elles constituent un obstacle à l’instauration de la paix et elles risquent de rendre impossible une solution à deux Etats». Dans le même temps, son marché est l’un des principaux débouchés pour les produits issus des colonies. La plupart des Etats membres de l’UE, dont la France, n’assurent pas un étiquetage correct de ces produits dans les magasins, laissant les consommateurs dans l’ignorance quant à leur origine, contrairement aux directives de l’UE.
«L’Europe maintient que les colonies sont illégales au regard du droit international, or, elle continue de commercer avec elles. Les consommateurs achètent aujourd’hui des produits étiquetés comme provenant d’Israël alors qu’en réalité, ils proviennent de colonies basées en Cisjordanie. Ils contribuent, ainsi, malgré eux aux injustices commises à l’encontre des Palestiniens», souligne Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre Solidaire.
Le rapport, préfacé par l’ancien Commissaire de l’UE aux relations extérieures, Hans van den Broek, appelle les gouvernements européens à adopter une série de mesures concrètes pour qu’ils cessent de soutenir l’expansion des colonies et que l’écart entre leurs paroles et leurs actes soit ainsi comblé. La coalition demande à minima à ce que des lignes directrices claires soient adoptées sur l’étiquetage des produits afin que les consommateurs européens n’achètent plus sans le savoir des marchandises issues des colonies. De telles directives existent déjà en Grande-Bretagne et au Danemark, et plusieurs autres pays membres, comme la Suède et la Finlande, les envisagent.
Le commerce avec les colonies est à l’agenda de l’UE depuis mai 2012, période à laquelle les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont fortement critiqué «la nette accélération de la construction de colonies» et ont appelé, pour la première fois, à une application entière de la législation européenne existante en matière de produits issus des colonies. Le gouvernement israélien estime que le montant des importations européennes provenant des colonies est d’environ 230 millions d’euros par an, ce chiffre est à comparer aux 15 millions d’euros par an d’importations provenant des territoires palestiniens. Cet écart s’explique par la conjonction de deux éléments : d’une part, la politique israélienne accorde des subventions conséquentes aux colons, y compris pour les infrastructures, le développement des affaires et de l’agriculture, d’autre part, elle impose des restrictions drastiques sur l’accès aux marchés et aux ressources naturelles pour les Palestiniens.
Les colons bénéficient d’un accès facile aux marchés internationaux et ont pu établir des agro-industries modernes et des zones industrielles. L’économie palestinienne est, à l’inverse, «fortement entravée par un système à plusieurs niveaux de restrictions» imposé par Israël, incluant des barrages routiers, des points de contrôles et un accès limité à la terre, à l’eau et aux engrais. En conséquence, les exportations palestiniennes, qui, dans les années 80, représentaient plus de la moitié du PIB palestinien, ont chuté ces dernières années à moins de 15% du PIB, réduisant ainsi à néant tout bénéfice qui pourrait être dégagé de l’accord commercial préférentiel que l’UE a conclu avec les Palestiniens.
«L’Union européenne dépense des centaines de millions d’euros chaque année dans l’effort de construction d’un Etat palestinien. Mais ce soutien est remis en question par son commerce avec les colonies illégales qui contribue à leur rentabilité et à leur expansion», déclare Phyllis Starkey, du conseil d’administration de l’ONG Medical Aid for Palestinians et ancienne députée britannique.
Parmi les marchandises des colonies vendus en Europe et en France, on retrouve des produits agricoles tels que les dattes, les raisins, les agrumes et les herbes, les vins, et des produits manufacturés, dont les produits cosmétiques d’Ahava, certains composants de machines à gazéifier de SodaStream et les meubles de jardin en plastique fabriqués par Keter.
«Les marchandises provenant des colonies de Cisjordanie sont produites grâce aux démolitions de maisons, aux confiscations de terres et à l’occupation militaire. Il est temps pour les gouvernements d’aller au-delà des condamnations rhétoriques des colonies et de s’assurer au minimum que les consommateurs puissent prendre des décisions éclairées au sujet de ces produits en magasins. Ceci est la condition qui permettrait d’être en accord avec le droit européen et international», signale Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Organisations signataires : APRODEV, Broederlijk Delen (Belgique), Caabu (GB), CCFD – Terre Solidaire (France), Christian Aid (GB et Irelande), Eglise de Suède, Cordaid (Pays-Bas), DanChurchAid (Danemark), Diakonia (Suède), Fédération internationale de droits de l’ Homme (FIDH), FinnChurchAid (Finlande), ICCO (Pays-Bas), IKV Pax Christi (Pays-Bas), Medical Aid for Palestinians (GB), Medico International (Allemagne), Medico International Suisse, the Methodist Church in Britain, Norwegian Church Aid, Norwegian People’s Aid, Quaker Council for European Affairs, Quaker Peace and Social Witness (GB), Trocaire (Irelande)
 

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