Le candidat fantôme
Par M. Aït Amara – Euripide, un des trois grands tragiques de l'Athènes classique, avec Eschyle et Sophocle, disait : «C'est un sentiment qui m'est commun avec tous les mortels : je ne rougis pas d'avouer que ma personne m'est très chère.» Antoine de Rivarol, lui, attestait que «la peur est la plus terrible des passions parce qu’elle fait ses premiers effets contre la raison ; elle paralyse le cœur et l’esprit». Nous sommes, pour ainsi dire, dans cet état moral et psychique décrit par les Anciens, à l’approche de l’échéance fatidique d’avril. L’offensive brutale menée ces derniers jours par une poignée de politiciens, pour amener le président malade à se représenter, au lieu de l’inviter à prendre sa retraite, s’apparente à ce que les psychologues appellent une «identification projective». Ce comportement, expliquent les scientifiques, est un «mécanisme consistant en un fantasme dans lequel le sujet imagine s’introduire partiellement ou en totalité à l’intérieur de l’autre (…) cherchant de cette façon à nuire, à posséder et à contrôler». Ainsi, Saïdani, Ghoul et Benyounès, solidement amarrés à un candidat jusque-là fantôme, se servent de leur dernière aussière pour se maintenir en position contre le quai et éviter d’être emportés par le courant provoqué par le vent du changement. Ces trois adulateurs zélés se recroquevillent dans une position de déni, refusant la réalité de ce changement inéluctable, vécu comme dangereux pour eux et pour tous ceux qui participent à leur tour de prestidigitation. Mus par une névrose d’échec, les partisans fanatiques d’un quatrième mandat pour un candidat invisible, s’adonnent au jeu d’«esprit es-tu là ?», nous introduisant de force dans le monde du paranormal. C’est Goebbels qui disait que plus le mensonge était gros, plus il passait et plus souvent il était répété, plus le peuple le croyait. Ces trois laudateurs ne rougissent pas d’insinuer que leur survie est tributaire de celle de Bouteflika, le cœur et l’esprit paralysés par la peur de voir le futur président réclamer des comptes à ceux qui, avant lui, ont répété le mensonge jusqu’à ce que le peuple eût failli les croire.
M. A.-A.
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