Sid-Ahmed Ghozali : «Le quatrième mandat est une fumisterie»

Fumisterie. Comédie. Simulacre. L’ancien chef de gouvernement Sid-Ahmed Ghozali a usé de tous les qualificatifs négatifs possibles pour parler de l'élection présidentielle du 17 avril prochain. L’invité du Forum de Liberté n’a pas lésiné sur les mots pour évoquer un régime finissant qui doit laisser sa place aux nouvelles générations. «Il faut laisser l'Algérie aux jeunes générations. Car le 4e mandat est une fumisterie», a lâché Sid-Ahmed Ghozali, qui se défend de tirer sur une ambulance. «J’étais le premier à avoir dénoncé et le premier et le deuxième et le troisième mandat, ce qui m’a valu d’être accusé par le président en place d’ennemi du peuple», rappelle-t-il à ce propos. «On joue depuis des mois, voire des années, de la santé d'un homme pour se jouer de tout un peuple, sans craindre de donner au monde l'Algérie en spectacle, pour s'apprêter à organiser des présidentielles préfabriquées», déplore-t-il. «Nos élections sont comme un terrain sportif : l’arbitre, le terrain, la fédération, les équipes… tous sont une et même personne. J’ai dit aux Algériens que le vote ne signifie plus rien. On veut faire croire à un vote, mais ce vote est réduit à zéro», assène M. Ghozali. Pour l’ancien chef de gouvernement, l’heure est grave pour l’Algérie et il est temps pour chacun d’assumer ses responsabilités et pousser vers un changement pacifique du régime, car, explique-t-il, à défaut, c’est l’explosion certaine. «En ces moments peu glorieux pour notre pays, je veux prendre date. J’alerte l’opinion et mets solennellement en garde le pouvoir : à force de refuser le changement dans l’ordre, nous aurons le changement dans le désordre, c'est-à-dire le pire des changements», avertit-il. «On se trompe lourdement en croyant qu'on peut faire marcher la société en la bernant et en lui donnant des ordres. Le pouvoir se rapproche de l'implosion et nous emmène dans son sillage dans le chaos. Quand il n'y aura plus d'argent à jeter par les fenêtres, le pire viendra», met-il encore en garde. Pour l’invité de Liberté, «le débat autour du quatrième mandat nous éloigne des vraies problématiques», tout en se disant convaincu que «l'oligarchie ne cédera pas d'un pouce». «Bien naïf, indique-t-il, celui qui croit à des garanties dans ces élections, c'est antinomique avec la nature du pouvoir.» L’ancien chef de gouvernement rappelle, d’ailleurs, que lui et son parti, le Front démocratique, sont interdits d’expression et d’activité depuis 15 ans par le pouvoir en place. «Depuis 15 ans, je suis avec des milliers de citoyens fondateurs du FD empêchés d’exercer les droits civiques les plus élémentaires qui nous sont garantis par la Constitution : le droit de réunion, le droit d’expression, le droit de candidature aux élections de tous les niveaux», soutient-il, précisant qu’il n’est «candidat à rien» et qu’il n’est «demandeur de rien». Pour le cas de Bouteflika, Ghozali soupçonne un scénario caché qui pourrait donner lieu à des situations inattendues. «C’est le système qui désigne l’heureux élu. Et celui qui décide n’est pas sur la place publique. Il le fait via des intermédiaires. Qui vous dit que c’est Bouteflika qui sera le président ?» interroge Ghozali pour qui «l’important n’est pas qui est le candidat agréé, mais de savoir si on pourra changer ce système». Mais comment peut-on changer le système ? «On peut envisager de mener le système graduellement vers le mieux : commençons par appliquer la loi, laisser une place à la société et instaurer le principe de la responsabilité», répond-il. Interrogé sur le retour sur la scène d’Ahmed Ouyahia et d’Abdelaziz Belkhadem, il répond, sûr de lui : «C'est du théâtre, le gentil, le méchant… Le vrai pouvoir n'est pas apparent. Il s'agit d'un casting (nationaliste, islamiste, trotskyste…).» «C'est une mascarade», soutient-il. Tout en prenant la défense du mouvement Barakat, Ghozali estime que les jeunes «doivent élargir leur champ de revendications» et ne pas se river sur le quatrième mandat. Il trouve, par ailleurs, «affligeant» la dernière sortie du directeur de campagne de Bouteflika, Abdelmalek Sellal. «Un homme équilibré, raisonnable, responsable doit connaître sa langue. On ne désigne jamais une entité ou une minorité du doigt. Son chef est allé pleurer sur la tombe de Hassan II, puis il insulte le peuple marocain à la télé. C’est une non-maîtrise des nerfs, de la langue, de la pensée. Quand le chef de l’Etat dit qu’il ne fait confiance à personne, ça veut dire qu’il n’est pas à sa place», dénonce-t-il.
Amine Sadek
 

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