Engager au plus vite un processus de redressement national

La fausse élection du 17 avril aura eu son véritable grand absent : le peuple algérien.

La fausse élection du 17 avril aura eu son véritable grand absent : le peuple algérien.
L'abstention massive démontre s'il en faut que le peuple algérien a définitivement tourné le dos au régime et à ses clans. Le rejet de Bouteflika, un homme de pouvoir qui n'est pas parvenu à se hisser au rang d'homme d'Etat, ne s'est pas traduit par une adhésion à la candidature de Benflis considérée à juste titre comme une fausse alternative. Ni boycott, ni participation, ni indifférence ou fatalisme, les Algériens ont exprimé leur refus catégorique d'être instrumentalisés dans des jeux et enjeux qui ne concernent que le régime et ses clientèles. Ce faux scrutin signe, dans une ambiance ubuesque, la fin d'une séquence historique. La fin peu glorieuse de la génération de la lutte de Libération, incapable de traduire les aspirations des Algériens, laisse le pays en état de jachère politique. Les personnalités et les partis se revendiquant du changement démocratique ne sont pas parvenus à faire émerger une alternative politique crédible. Alors que la situation s'enlise dangereusement, l'agitation politicienne de personnalités et d'appareils partisans en mal de crédibilité a pris le pas sur l'effort nécessaire de reformulation politique du projet national et la recherche d'un consensus sur les nouveaux fondements de l'Etat algérien qui tiennent compte des enjeux liés à un monde ouvert, régionalisé et en transformation profonde. L'élite militaro-sécuritaire, principal centre de décision, refuse d'assumer ses responsabilités historiques et se complaît dans une espèce de loyalisme absurde et paradoxal vis-à-vis d'institutions discréditées et d'un «pouvoir civil» corrompu, soumis aux intérêts étrangers qu'elle a contribué à installer et à renforcer. L'Algérie, dont la révolution a suscité l'admiration et nourri tant d'espoirs dans le monde, est aujourd'hui rabaissée, blessée et humiliée par ceux qui continuent de s'opposer au droit du peuple algérien à s'ingérer dans ses propres affaires. L'obstination, les calculs étroits et les stratégies du pourrissement vont être fatals au pays si rien n'est fait pour freiner la descente aux enfers. Briser ainsi les espoirs d'un renouveau national démocratique conduira inéluctablement une grande partie de notre jeunesse à céder à tous les nihilismes, à trouver dans l'extrémisme religieux ou l'ethnicisme des palliatifs à la crise morale et existentielle. L'Algérie pays des martyrs de la liberté risque de devenir le sanctuaire des mercenaires, des aventuriers et des prédateurs. Néanmoins, il est encore temps de sauver notre pays en engageant au plus vite un processus de redressement national. Pour cela, il faudra tourner la page des simulacres d'élections, des faux dialogues et des fausses transitions. Toute tentative de reporter l'issue politique à la crise ou de gagner du temps en lançant quelques consultations politiques de façade ou en engageant un nouveau rafistolage constitutionnel rendra inéluctable l'effondrement national. L'opposition autonome, aujourd'hui dispersée, ne doit pas se laisser bernée par de fausses promesses et piégée par de nouveaux leurres. Elle devra se reconstruire, se renouveler et s'organiser pour donner un prolongement politique aux inévitables futures révoltes.
Samir Bouakouir
 

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