Le Dr Dalil Boubakeur à Algeriepatriotique : «L’islam triomphe partout des forces délétères»

Dalil Boubakeur. D. R.

Algeriepatriotique : Vous venez de condamner l’enlèvement de 200 filles nigérianes par Boko Haram. La France aussi condamne tout en continuant à payer des rançons pour libérer ses propres ressortissants pris en otage par ces mêmes groupes. Comment expliquez-vous cette duplicité ?

Algeriepatriotique : Vous venez de condamner l’enlèvement de 200 filles nigérianes par Boko Haram. La France aussi condamne tout en continuant à payer des rançons pour libérer ses propres ressortissants pris en otage par ces mêmes groupes. Comment expliquez-vous cette duplicité ?

Dr Dalil Boubakeur : Les affaires de prise d’otages occidentaux que vous mettez en parallèle avec l’enlèvement des 276 lycéennes nigérianes dans le nord du Nigeria ne me paraissent pas avoir un rapport entre elles. D’un côté, c’est une guerre interne nigéro-nigériane et, de l’autre, une volonté de nuire aux intérêts occidentaux.

Les médias se sont fait l’écho de désaccords entre les institutions représentatives de la communauté musulmane en France. Quelles en sont les causes ?

La France est un pays laïc. Et il y a autant de représentants musulmans que quasiment de musulmans eux-mêmes. Dans cette liberté d’expression et d’interprétation des textes sacrés, vu l’ignorance, les partis pris, les divergences ethniques, nationales ou doctrinales, cela n’apporte qu’une image terriblement divisée des musulmans. Mais non celle de l’unité de l’islam. La Grande Mosquée de Paris reste gardienne d’une histoire séculaire de l’islam en France, quant au CFCM (Conseil français du culte musulman), dont je suis de nouveau président, depuis juin 2013 jusqu’en juin 2015, il réunit en son sein toutes les grandes fédérations musulmanes, dont la Fédération de la Grande Mosquée de Paris (FGMP) représentant la communauté cultuelle algérienne.

Le mois de Ramadhan de l’année dernière a été perturbé par un malentendu sur le premier jour de carême. Que s’est-il passé ? Cela risque-t-il de se reproduire cette année ?

La décision qui a été prise cette année, c’est de tenir non seulement compte des données astronomiques (calcul) pour déterminer le début du jeûne du mois de Ramadhan, mais aussi et surtout de la veillée traditionnelle dite «Nuit du doute» basée sur la vision conformément aux préceptes coraniques auxquels tiennent tous les musulmans. Aussi, conformément aux enseignements prophétiques relatifs à la détermination du début du mois de Ramadhan et soucieuse de l’unité de la communauté musulmane de France, comme d’une complémentarité entre les données astronomiques et les références traditionnelles prophétiques recommandant la vision, la Grande Mosquée de Paris organisera la veillée traditionnelle de la «Nuit du doute» en présence de représentants de grandes fédérations musulmanes, d’associations cultuelles, de théologiens, de muphtis et d’imams des différentes régions de France afin de déterminer ensemble la date du début du mois de Ramadhan pour l’année 1435 de l’Hégire.

Pourquoi le monde arabo-musulman est-il secoué par des conflits sanglants alors que l’islam est une religion de paix ?

Ce n’est pas l’islam qui est en jeu. L’islam est un dans sa doctrine et multiple dans ses interprétations et ses périodes humaines. Notre humanité est aujourd’hui, à l’évidence, traversée par des courants inspirés par un vent contraire à la clarté spirituelle vivifiante de la lumière du message coranique.

Certains médias ont blasphémé le Saint Coran et plus généralement l’islam. Comment expliquez-vous cet acharnement contre la religion musulmane ?

La religion musulmane est la plus spirituellement illuminative dans notre monde moderne miné par le mercantilisme, le matérialisme et la perte des valeurs spirituelles. L’islam triomphe partout de ces forces délétères et suscite des attaques et des tentatives de dénigrement de la vérité du message coranique, notamment par la moquerie, la dérision, la caricature et les fausses allégations. «A côté de ceux qui croient, certes les infidèles ne croient pas, dit le Saint Coran. Cela leur est égal. Que tu les avertisses ou non, ils ne croiront jamais. Allah a scellé leurs cœurs et leurs oreilles et un voile épais leur couvre la vue ; et pour eux il y aura pour un grand châtiment.» Sourate II, Al-Baqarah, verset 6/7. «Il y a dans leurs cœurs une maladie (de doute et d’hypocrisie)…» Sourate II, verset 10.

Selon vous, y a-t-il une recrudescence ou un recul de l’islamophobie en France ? L’islam est-il la seule religion ciblée ?

D’une manière générale, comme le soulignait feu le professeur Mohammed Arkoun, l’Occident nourrit un imaginaire d’exclusion réciproque vis-à-vis de l’islam. Cet imaginaire continuera à produire ses venins et ses monstres qui cherchent à impressionner, voire à intimider les musulmans. Mais comme l’a dit en son temps feu le penseur algérien Malek Bennabi : «Ne sont influencés que ceux qui sont influençables.»

Une élection présidentielle a eu lieu en Algérie. L’avez-vous suivie ? Quel commentaire et quelle analyse en faites-vous ?

J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt et d’émotion l’épreuve de santé qu’a subie le président Abdelaziz Bouteflika qui m’a beaucoup touché par sa volonté inébranlable d’assurer la continuité de l’unité du peuple algérien autour d’un chef charismatique qui ne pouvait être que lui. Je suis naturellement extrêmement heureux de voir la politique algérienne se poursuivre sereinement autour du président de la République avec une large adhésion populaire qui conforte amplement la volonté générale de stabilité de notre pays. Je prie Dieu que la santé du président Abdelaziz Bouteflika puisse lui permettre d’avoir le temps de mener à bien toutes ses actions, comme celle de parachever la réconciliation nationale si indispensable pour l’avenir et l’épanouissement de l’Algérie.

Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi

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