Réforme de l’Ecole : Benghabrit résistera-t-elle aux interférences politiques et idéologiques ?

Entre les rumeurs alarmistes, autant que fantaisistes, du genre «elle veut supprimer la langue arabe», et les véritables intentions de Nouria Benghabrit, il y a une marge de désinformation, très large, qui alimente ce qui apparaît maintenant clairement comme une volonté de déstabiliser le système éducatif dans un but politique et idéologique évident. Le contexte des examens s’y prêtant, en commençant par parler de «conférer une crédibilité au bac», la nouvelle ministre avoue ainsi que tout le système éducatif est à vau-l'eau et que des centaines de milliers d'écoliers, collégiens, lycéens et bacheliers ont été sacrifiés pendant des années et des années, et que le baccalauréat, dans son «état» actuel, n'a aucune valeur. Devant le constat fait par Nouria Benghabrit, on est en droit de se demander à quoi cela a-t-il servi de faire monter le taux de réussite au bac de 10% en 1990 à plus de 44% en 2013. Le scandale de la fraude survenue lors de la session 2013 a peut-être produit un choc chez les profanes, mais n’a pas surpris les spécialistes qui connaissent l’état des lieux et qui ont vu dans ce fait un révélateur, un de plus, de la dégradation du niveau du système éducatif. Les conditions – imprégnées encore des stigmates de la décennie du terrorisme et du recul de l’autorité de l’Etat en beaucoup d’endroits du pays – dans lesquelles se déroule depuis quelques années cet examen sont venues s’ajouter à la baisse de niveau dans l’enseignement. L’université accueille ainsi des bacheliers qui n’ont pas les capacités exigées et cela est démontré par les statistiques sur les échecs dans les premières années. Depuis la réforme de 1976 qui a fondé le système actuel sur «la gratuité de l’enseignement et son authenticité» et sur l’école fondamentale, les expérimentations sur les élèves devenus cobayes pavloviens se sont succédé, dont la dernière, en2002, a consisté dans le lancement d’une réforme éducative qui n’a pas pu redresser la situation. Les indicateurs de l’échec du système éducatif sont donnés par les experts du collectif Nabni qui font remarquer que les taux de redoublement ont touché 11,29% des élèves dans le primaire sur la période 2006–2009, et 16% dans le secondaire. Ils reconnaissent que grâce aux efforts consentis dans le domaine de l’éducation, pour lequel des budgets importants ont été alloués tout au long des 50 dernières années, l’accès à l'école primaire a pu être généralisé passant de moins de 85% en 1980 à plus de 97% en 2011. Mais c’est dans la qualité de l’enseignement qu’ils appellent à faire encore plus d’efforts. Le rapport de Nabni consacré à l’enseignement situe l’enjeu dans la qualité du système et dans les chances qu’il offre aux diplômés de trouver du travail. Comment sera menée la bataille de la qualité et combien de temps il faudra pour réhabiliter le système éducatif, autrement dit combien de promotions continueront à pâtir du bas niveau actuel ? Une chose est sûre, les interférences politiques et idéologiques ne vont pas aider dans ce sens. En 2001, dès que les premiers éléments du rapport de la Commission nationale de réforme du système éducatif (CNRSE), présidée par le professeur Benzaghou, ont été portés à la connaissance de l’opinion publique par la presse, des responsables de partis islamistes et autres personnalités qui leur sont proches avaient créé une «coordination pour la défense de l’école authentique, l’école algérienne». Plus de dix ans après, cette mouvance tente encore d’agiter le système éducatif autour du slogan «pour une école authentique ouverte» ; doit-on comprendre par là qu’ils veulent empêcher le système éducatif de progresser ? La ministre semble compter sur les syndicats, sensibles à la question de l’amélioration des performances de l’enseignement, favorables, même, pour certains à une refonte de ce système jugé totalement défaillant pour la construction d’une école publique de qualité.
Kamel Moulfi
 

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