La révision constitutionnelle en Algérie doit s’inscrire dans le cadre des réformes structurelles

Etant invité par la présidence de la République pour le 19 juin 2014, en tant qu’expert international et professeur des universités, non partisan, ouvert à tout dialogue, je privilégie uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie. Les objectifs stratégiques doivent être la refondation de l’Etat algérien conciliant la modernité et son authenticité, l’efficacité économique et une profonde justice sociale et de rétablir la confiance actuellement brisée entre l’Etat et les citoyens grâce au dialogue fécond et productif. Tout pouvoir a besoin d'une opposition forte organisée avec des propositions productives pour se corriger, devant l’associer dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays. Une loi n'est qu'une loi, fusse-t-elle la Constitution, devant être sous-tendue par une nette volonté politique de réformes structurelles.

A- Volet politique
1- Facteur essentiel du développement économique et social, il s’agira codifier le développement des libertés politiques, économiques, sociales et culturelles, l’implication de la jeunesse et la promotion réelle de la femme à la gestion de la Cité.
2- Codifier la bonne gouvernance, l’Etat de droit par la lutte contre la bureaucratie paralysante, l’indépendance de la justice avec une nette séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire – des juges indépendants, des procureurs généraux nommés par l’exécutif, un rééquilibrage au niveau du Conseil de la magistrature en favorisant les élections libres –, rééquilibrer le Conseil constitutionnel en faveur de personnalités indépendantes et renforcer le pouvoir du Conseil d’Etat.
3- Comme garantes de l’intégrité territoriale, codifier d’une manière précise les missions de l’ANP, les services de sécurité (y compris la DGSN) et du Conseil de sécurité, et ce, dans le cadre de la transition démocratique.
4- Codifier clairement les missions de notre diplomatie qui doit s’adapter aux nouvelles mutations.
5- Codifier l’alternance au pouvoir par la reconnaissance de l’opposition comme acteur de la scène politique, la séparation nette des pouvoirs, une institution indépendante chargée de superviser toute élection, le ministère de l’Intérieur via les walis étant chargé uniquement de la logistique, ainsi que limiter dans le temps (5 ans maximum) les hautes fonctions supérieures de l’Etat au même poste, pour éviter la léthargie et les relations de clientèles.
6- Limitation du mandat présidentiel à deux maximum de cinq années, instaurer durant cette période de transition un régime semi-présidentiel, le régime parlementaire, souhaitable, étant inadapté actuellement du fait de la non-représentativité et de la multitude des partis qui doivent se regrouper en fonction d’affinités idéologiques et économiques.
7- Codifier la fonction de vice-président, nommé par le président, chargé de le seconder, qui en cas de vacance du pouvoir termine le mandat présidentiel.
8- Codifier la fonction de chef de gouvernement qui sera nommé par le Président, responsable de la politique socio-économique avec des prérogatives clairement définies avec obligation de présenter son bilan deux fois devant le Parlement.
9- Tout en nous en tenant à nos constantes nationales (arabité-islamité-amazighité) comme facteur de cohésion sociale, codifier la langue amazighe comme langue nationale, et devant favoriser la tolérance et combattre toute forme de racisme et de xénophobie, codifier que l’Etat garantit la liberté de culte et la liberté de conscience, veillant à ce que la religion n'interfère dans les affaires de l’Etat.
10- Codifier le rôle stratégique de l’élite avec l’intégration de notre émigration et la valorisation du savoir par la réforme profonde de l’école du primaire au supérieur
11- Codifier la pluralité syndicale, la liberté des médias avec un code de déontologie, la reconnaissance de la société civile et la liberté pacifique de manifester.
12- Sans son histoire, une société est comme un corps sans âme, l’histoire étant le fondement de l’action présente et future, devant différencier régime éphémère et Etat éternel, codifier les valeurs du 1er novembre 1954 et de la plateforme de la Soummam, un Etat qui survit aux aléas de l’histoire à la gloire à nos chouhada.
B – Volet économique
1- Définir clairement le rôle futur de l’Etat dans le développement économique et social, en insistant sur le rôle de l’Etat régulateur conciliant les coûts sociaux et les coûts privés.
2- Codifier la transition numérique, en prenant en compte de la cybercriminalité.
3- Criminaliser la corruption qui connaît un niveau inégalé depuis l’indépendance politique, une atteinte à la sécurité nationale qui implique pour son atténuation une totale transparence de l’utilisation des deniers publics (dépense publique, rente de Sonatrach, réserves de change), l’unification des institutions de contrôle, indépendantes de l’exécutif, et donner de larges prérogatives à la Cour des comptes, parallèlement au contrôle parlementaire et à la société civile. Le pouvoir doit s’engager à respecter les accords internationaux en la matière contre le blanchiment de l’argent «sale».
4- Différencier la corruption de l’acte de gestion afin d’éviter de paralyser l’initiative des managers.
5- Garantir la propriété privée comme droit inaliénable.
6- Codifier l’économie de marché concurrentielle, loin de tout monopole, comme processus irréversible, mettre l’entreprise privée locale et internationale et publique, sur le même pied d’égalité, à travers un nouveau code des investissements et des marchés publics, renforcer l'autonomie de la Banque d'Algérie garante de la stabilité de la monnaie, avec une durée deux mandats de cinq ans maximum non renouvelables pour le gouverneur et les vice-gouverneurs, amender la loi sur la monnaie et le crédit afin de favoriser les fonds souverains, revoir le fonctionnement du système financier – la finalité étant de promouvoir une économie productive hors hydrocarbures compétitive s’adaptant avec pragmatisme au processus de la mondialisation.
7- Codifier la régionalisation économique autour de grands pôles (combinant université, centres de recherche, banques, fiscalité, secteurs économiques, administration) à ne pas confondre avec régionalisme qui impliquera d’importantes réformes institutionnelles (ministères, secteur économique public, wilayas, APC).
8- L’agriculture et son soubassement l’eau, enjeu du XXIe siècle, segment stratégique, codifier la non-urbanisation des terres agricoles, parallèlement à la politique d’urbanisation qui devra s’inscrire dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire clairement définie qui ne saurait s’assimiler aux actuels programmes spéciaux de wilayas.
9- Codifier la préservation de l’environnement et la protection de la biodiversité
10- Le système d’information s’étant effrité, codifier un organe indépendant de l’exécutif chargé de la collecte d’information et de la planification stratégique tenant compte avec les bouleversements mondiaux.
11- Codifier comme impératif stratégique la mise en place d’une transition énergétique reposant sur un Mix énergétique, toute action devant avoir l’aval du Conseil national de l’énergie et du Conseil de sécurité, et s’engager à un large débat national concernant le futur énergétique 2015/2030 qui engage la sécurité nationale.
12- Codifier le dialogue économique et social entre l’exécutif et les partenaires économiques et sociaux en incluant les syndicats autonomes et revoir l’actuel fonctionnement du Conseil économique et social en lui donnant l’autonomie totale, s’étant totalement bureaucratisé, sa composante n’ayant pas été renouvelée depuis des décennies.
13- Facteur d’adaptation à la mondialisation, intiment lié à la politique étrangère, il s’agira de codifier l’intégration de l’Algérie au sein de la région euro-méditerranéenne, de l’Afrique, du Maghreb, continent à enjeux multiples, comme processus stratégique.
En résumé, face aux enjeux géostratégiques, pour le devenir de l’Algérie, la région euro-africaine et euro-méditerranéenne, devant connaître d’importants bouleversements horizon 2020, l’opposition est l’opposition et le pouvoir est le pouvoir. Personne n’a le monopole du nationalisme, le seul but en commun étant les intérêts supérieurs de l’Algérie.
Abderrahmane Mebtoul
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