Emballé, c’est pesé
Par M. Aït Amara – Le pourvoir n’entend que d’une seule oreille. L’énergie et l’enthousiasme avec lesquels le Premier ministre a défendu l’exploitation du gaz de schiste devant les députés a de quoi susciter de sérieuses inquiétudes. Non qu’une éventuelle production de cette énergie fasse peur, mais parce que l’entêtement du gouvernement à vouloir y recourir traduit son refus de tout débat ou de toute opposition à ses décisions discrétionnaires. Il en ira de même pour tous les problèmes qui concernent directement l’avenir de l’Algérie et des Algériens et au règlement desquels ils sont acculés à en accepter les solutions préconisées, quelles qu’elles soient. «Ce sont des experts algériens qui ont étudié le dossier et il faut leur faire confiance», a résonné la voix presque autoritaire d’Abdelmalek Sellal dans l’hémicycle, fragilisé toutefois par son incompétence dans ce domaine fortement politique, certes, mais éminemment technique – Sellal n’a fait que répercuter des conclusions d’ingénieurs sans avoir le recul nécessaire pour les démentir ou les révoquer en doute. Mais le Premier ministre s’est gardé de rendre publique l’étude qui a abouti à ce résultat affirmatif, alors que la veille de son intervention à l’APN, une dépêche de l’APS diffusait une information contradictoire sur d’énormes difficultés rencontrées dans l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, pays auquel Abdelmalek Sellal s’est justement référé pour convaincre les plus sceptiques. Reprenant l’agence américaine d’information économique et financière Bloomberg, l’agence de presse gouvernementale APS s’en est tenue au strict contenu de l’information qui indique que «plusieurs investisseurs dans le schiste aux Etats-Unis commencent à connaître un niveau d'endettement fortement élevé, en raison des grosses dépenses mobilisées dans les forages, alors que les chiffres d'affaires s’avèrent plutôt faibles». L’APS rapporte également la déclaration des responsables d’une société new-yorkaise de gestion des actifs du secteur de l’énergie, qui note que «la liste des entreprises américaines du schiste qui sont en difficulté financière est considérable» et prédit que toutes les entreprises qui ont investi dans le schiste aux Etats-Unis «ne survivront pas». Le Premier ministre a-t-il reçu l’ordre du président de la République d’exécuter les désidérata lucratifs de puissances étrangères qui, comme dit l’adage populaire algérien, veulent «apprendre la coiffure sur la tête des orphelins» ? Si le pouvoir en place se lance effectivement dans cette entreprise dangereuse pour l’environnement et économiquement risquée, sans en débattre au préalable, cela s’inscrira de fait dans la gestion unilatérale de questions stratégiques où le dernier mot est toujours revenu au seul président de la République. Bouteflika a, par le passé, effacé la dette des pays africains pour qu’en guise de remerciement ils se jettent dans les bras du roi Mohammed VI. Il a surtout engagé de gros chantiers budgétivores qui accusent tous des retards monumentaux et contiennent des défauts de conception impardonnables, faute d’avoir tendu l’autre oreille pour écouter les conseils avisés de ceux qui répugnent à faire partie des bouffons de la cour et se soucient de l’intérêt du pays avant le leur.
M. A.-A.
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