Chute de la pub, interdiction d’impression : mutation salvatrice ou sale temps pour la presse ?

La presse algérienne, tous médias confondus, a atteint la fin d’un cycle et semble entamer un nouveau. Un long chemin a été parcouru depuis l’ouverture de ce secteur au privé par l’ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche, au début des années 1990. Vingt-quatre ans plus tard, le monde complexe de la communication connaît une série de bouleversements qui annonce un changement profond dans les mois et les années à venir. Peu enclins à exposer leurs problèmes internes sur les colonnes de leurs journaux, les professionnels de la presse ne vivent pas moins des difficultés liées aux aspects financiers et qui vont en s’aggravant, ainsi qu’une division entre les patrons et leurs employés. Lancé au début par d’anciens journalistes du secteur public, le premier carré des journaux quotidiens qui dominent la scène médiatique nationale de par son ancienneté commence à péricliter. En effet, les quelques titres qui avaient décidé, au début des années 2000, d’acquérir une autonomie en matière d’impression, pour «s’affranchir du diktat du pouvoir politique», n’ont pu assurer une croissance relative que grâce à la manne publicitaire privée, garantie notamment par une marque automobile française et un opérateur multimédia aujourd’hui en crise. Les autres journaux, qui n’ont pas pu se libérer de leur dépendance vis-à-vis des imprimeries de l’Etat et de la publicité institutionnelle, vivent, quant à eux, un véritable cauchemar après des années de laxisme et de laisser-aller de la part des institutions qui étaient en charge de ce secteur sensible, au premier rang desquelles le fameux Centre de la communication et de la diffusion que dirigeait le colonel Fawzi, qui agissait en électron libre. La dénonciation d’une véritable «machine à sous» mise en place par ce dernier, laquelle a profité à un quarteron d’entreprises unipersonnelles dont les directeurs et directrices tiraient profit de leur relation privilégiée avec cet officier tombé en disgrâce après les graves révélations faites par Algeriepatriotique, a poussé les pouvoirs publics à s’intéresser de plus près à l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep), la société chargée de distribuer les annonces légales des collectivités locales et les placards publicitaires des entreprises publiques. D’ailleurs, l’enquête des services de sécurité dans les locaux de cette institution suit son cours, croit-on savoir. Ces journaux ont été sommés de payer leurs arriérés dus aux imprimeries de l’Etat, tandis que d’autres se sont vu retirer la publicité institutionnelle, prélude à leur fermeture dans un avenir proche, faute de ressources financières. A cette guerre déclarée par le gouvernement aux journaux mauvais payeurs et fraudeurs, est venu se greffer un nouveau phénomène, aggravé par la création de chaînes de télévision privées par un certain nombre de ces journaux. Cette ouverture anarchique du secteur audiovisuel a provoqué une immense saignée financière dont les symptômes commencent déjà à se manifester. Cette conversion a également suscité la colère des journalistes de la presse écrite dont les salaires sont inférieurs à ceux de leurs confrères des chaînes de télévision nouvellement fondées, et ce, en dépit de leur longue expérience dans le domaine du journalisme. De nouvelles recrues, peu expérimentées et mal formées, fraîchement sorties de l’université, se sont, elles, retrouvées du jour au lendemain titulaires de postes hautement rémunérés malgré leurs grandes lacunes. Cette situation inédite et aberrante a poussé plusieurs anciens journalistes renommés à claquer la porte de leurs médias respectifs. Certains ont choisi de rejoindre d’autres rédactions, d’autres ont rallié les chaînes de télévision, d’autres enfin ont carrément quitté le monde la presse pour offrir leurs services dans d’autres secteurs économiques ou dans différentes institutions publiques. Au stade actuel, la plupart des télévisions privées créées dans une sorte d’effet d’entraînement et d’imitation vivent une crise financière majeure, alors qu’un grand nombre de journaux, pris à la gorge par leurs dettes faramineuses contractées auprès des imprimeries publiques, risquent de mettre la clé sous le paillasson. Une décantation devrait se faire dans le bon sens, souhaitent des sources proches du gouvernement et des journaux qui s’acquittent de leur facture d’impression régulièrement, de sorte que la corporation soit définitivement débarrassée des parasites qui l’ont gangrénée, et revienne à sa vocation originelle : celle d’informer.
M. Aït Amara
 

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