La soupe et la gamelle
Par Kamel Moulfi – «‘Alach ‘alach gagina, ‘ala essoupa ouel gamila»(*), ce refrain d’un vieux chant populaire algérien expliquait, à l’époque, pourquoi nos aïeux, les «indigènes», s’engageaient dans l’armée française qui occupait leur pays : «pour la soupe et la gamelle» ; plus prosaïquement, pour avoir à manger. La grande misère dans laquelle était plongée la majeure partie de la population, durant la nuit coloniale a été très bien décrite non pas par les Algériens, dont les aînés en ont souffert, mais par les historiens et sociologues français. Cette situation de totale pauvreté, voire de famine, ne laissait pas d’autre choix que de s’engager dans l’armée coloniale et prendre le risque d’aller faire une guerre qui ne concernait en rien les Algériens. C’est cela la vérité. Mais voilà que les officiels français veulent nous faire avaler la pilule… en nous faisant croire que nos aïeux auraient combattu pour la France de leur propre gré ! Dans un témoignage livré à Algeriepatriotique, à cette occasion, un citoyen raconte comment son père appelé à faire son service militaire, dans les années 1940, a refusé de servir sous le drapeau français et comment le caïd, auxiliaire du colonialisme, a convoqué son frère cadet pour lui dire ceci : «Soit tu dis à ton frère de se rendre à la caserne, soit je vous coupe les vivres» (la fameuse année des bons, de la misère, de la famine). Seul soutien de sa famille, il avait le choix entre rester insoumis et affamer les siens (sa mère et ses six frères et sœurs), ou se résigner à répondre au chantage du caïd. Ce qu'il fit la mort dans l'âme après un ou deux ans de fuite. Prétendre que les Algériens ont rejoint l’armée française volontairement pour libérer la France relève non pas de la vérité historique mais carrément de la blague. Les témoins sont encore vivants pour rappeler les pitreries grotesques auxquelles se livraient les sergents recruteurs français dans les douars, sur fond sonore de t’bel et ghaïta, le jour du marché, pour appâter les jeunes en leur promettant des sommes d’argent fixées selon le poids de la recrue. Alors trêve de plaisanteries, l’Histoire on la connaît !
K. M.
(*) Pourquoi nous sommes-nous engagés [dans les rangs de l'armée française] ? Pour la soupe et la gamelle (à cause de la misère) !
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