Ghaza : comment Israël a essuyé un retentissant échec

Carl Von Clausewitz le plus prestigieux théoricien de la guerre a écrit : «La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens.» Quels sont donc les buts politiques respectifs des deux protagonistes de cette guerre ?
– Pour Israël, le principal objectif était de saboter le gouvernement national palestinien qui venait d’être constitué. But éminemment stratégique, car l’unité des Palestiniens est un cauchemar pour cet Etat.

Carl Von Clausewitz le plus prestigieux théoricien de la guerre a écrit : «La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens.» Quels sont donc les buts politiques respectifs des deux protagonistes de cette guerre ?
– Pour Israël, le principal objectif était de saboter le gouvernement national palestinien qui venait d’être constitué. But éminemment stratégique, car l’unité des Palestiniens est un cauchemar pour cet Etat.
– Pour les Palestiniens, le but est la levée du blocus qui tue à petit feu la population et isole physiquement et politiquement les deux parties occupées de la Palestine.
Pour ce qui est d’Israël, on peut dire qu’il a essuyé un retentissant échec, car il n’a pas réussi à faire éclater le gouvernement d’union nationale palestinien*. Pis, il a été obligé d’aller à Canossa**, au Caire, pour discuter avec ledit gouvernement comprenant le Hamas «terroriste». Une fois la guerre déclarée, à ce but premier sont venus s’ajouter d’autres objectifs aussi délirants les uns que les autres. Par exemple, liquider le Hamas pour le désarmer et offrir Ghaza sur un plateau à l’Autorité palestinienne, exiger un contrôle sur l’argent des donateurs pour la reconstruction de Ghaza, etc. Tout un aréopage d’experts militaires, de services secrets et de diplomates défilait sur les plateaux de télé en débitant ces exigences et en utilisant un langage plein de morgue, alors que les généraux sur le terrain et le Premier ministre Netanyahu affichaient une mine ravagée par l’inquiétude. Quant aux Palestiniens, ils n’ont accepté le cessez-le-feu de 72 heures qu’à condition de discuter de la levée du blocus et cette fois sous le contrôle et la garantie des puissances médiatrices. Ajoutons à ce gain politique des Palestiniens, l’isolement diplomatique d’Israël : rupture de contrat d’armement par l’Espagne, démission d’une ministre anglaise pour protester contre le soutien de son gouvernement à Israël, utilisation de mots peu diplomatiques comme massacre ou crimes de guerre dans la bouche des plus hautes autorités du monde, manifestations monstres dans le monde entier. Parallèlement à ces échecs diplomatiques et les condamnations de l’opinion internationale, d’autres facteurs politiques et militaires sont venus ternir l’image d’Israël. La combinaison de tous ces facteurs a signé la défaite d’Israël, défaite qu’il n’est pas près d’oublier comme il n’a pas oublié sa déculottée, en 2006, face au Hezbollah. Jusqu’à présent, Israël faisait la guerre en se «promenant» dans le ciel et sur le sol de la Palestine pendant que sa population se dorait la pilule sur les belles plages de ce pays volé aux siens. Aujourd’hui, le ciel de cet Etat est traversé par des missiles, son unique aéroport a été fermé pour la première fois et ses habitants se terrent dans des abris. Quant au territoire de cet Etat qui était un sanctuaire, on a vu des combattants palestiniens sortir des entrailles de la terre pour affronter l’armée qui fanfaronnait d’être invincible. Ainsi, dans cette confrontation asymétrique, on a assisté à un saut qualitatif des combattants palestiniens et à la limite de la puissance orgiaque d’Israël. Un élément passé sous silence, celui de la défaite des services de propagande de cette armée. Deux événements ont mis en lumière ses mensonges qui frisent l’infantilisme. Ce sont les deux soldats capturés ou perdus sur le champ de bataille. La propagande de cette armée a donné plusieurs versions pour finir par se ranger à celles de la résistance palestinienne. A cette occasion, le monde a appris que cette armée a émis un règlement appelé «protocole d’Hannibal» qui consiste à éliminer ses soldats au cas où ils risquent de tomber dans les mains de l’ennemi. C’est pourquoi un scandale potentiel a été étouffé, relatif au deuxième soldat signalé d’abord comme prisonnier. A son enterrement, le cercueil de ce soldat était pratiquement vide, ne contenant que quelques membres du corps du soldat. La raison ? Le soldat en question a été pulvérisé par un obus de sa propre armée. Sur le plan purement opérationnel et tactique, l’armée israélienne a «navigué dans le noir». Elle a été surprise par la technique et la tactique de combat des Palestiniens. L’échec des services de renseignement sionistes est flagrant, car ils n’ont détecté ni les tunnels ni la fabrication sur place des missiles. L’aviation a montré ses limites, sauf pour le carnage des civils. Cette impuissance de l’aviation à remplir sa mission (mettre fin aux tirs de missiles) a poussé le pouvoir politique à utiliser l’infanterie, alors que le commandement militaire n’était pas chaud pour ce genre de confrontation en milieu urbain. Ces divergences entre politiques et militaires auront des conséquences sur la coalition gouvernementale, un échec de plus à mettre au bilan de la défaite. Les militaires savaient que les blindés étaient des proies faciles pour les roquettes sophistiquées ou tout simplement pour des bombes astucieusement cachées. Ce qui a surpris et affolé cette armée, c’est le contact direct, le corps à corps des combattants des deux camps. Cette tactique des Palestiniens de coller à l’ennemi a paralysé l’aviation et les blindés ennemis qui ne pouvaient pas venir en aide à leurs soldats aux prises avec les combattants palestiniens. Cette tactique a été illustrée par les combats que les Palestiniens ont livrés aux Golanis, ces troupes d’élite qui ont perdu leur commandant et laissé sur le terrain un soldat dont la photo et le numéro de matricule ont été publiés par la résistance. Netanyahu a fait allusion à cette tactique en disant que le retrait de l’armée était motivé par la nécessité de ne pas exposer les soldats à la promiscuité avec l’ennemi. Evidemment, les médias n’ont pas relevé cet aveu, soit par incompétence, soit pour cacher une amère vérité, celle des pertes énormes subies par cette armée quand le combat se faisait à armes égales, au corps à corps, quand cette armée ne bénéficie pas de la supériorité technologique et de la débauche des armements comme les blindés, les drones ou les avions F16. Ces armes en revanche ont été utilisées avec «efficacité» contre la population civile et particulièrement contre les enfants et les vieilles personnes, des proies faciles naturellement. Oui, la guerre est vraiment la continuation de la politique. Les gouvernants d’Israël pour leur malheur ont oublié que la victoire ne dépend pas uniquement de l’amoncellement et de l’utilisation d’armes sophistiquées. La politique est supérieure à ces armes-là. La victoire appartient sur le long terme à celui qui mène une guerre juste, à celui qui a le soutien de sa population, à celui qui suscite la solidarité de l’opinion internationale. La défaite est assurée à celui qui va à l’encontre des principes énoncés ci-dessus. La défaite est assurée à celui qui colle à ses adversaires sa propre vision étriquée ou «confortable» des choses, alors que lesdits adversaires sont mus par des considérations plus nobles, la liberté et la dignité par exemple. Ainsi, les stratèges d’Israël matraquent et affament les Palestiniens dans le but qu’ils se révoltent contre la résistance censée être la principale coupable de leurs malheurs. Fidèles à leur philosophie de pacotille, ils ne veulent pas comprendre la nature du contentieux qui engendre la résistance. Ils préfèrent se rabattre sur les lubies de la vieille sociologie américaine qui fait la part belle au paraître au détriment de l’Être. Et en Palestine, l’Être c’est l’Histoire, la justice, notions sur lesquelles crache le sionisme depuis qu’il a mis sur pied son entreprise coloniale sur cette terre de Palestine.
Ali Akika, co-réalisateur du film L’Olivier sur la lutte du peuple palestinien

* Pour les Palestiniens, l’union nationale est un trésor et une garantie pour préserver leur lutte contre tous les complots et manœuvres des régimes arabes qui ne datent pas d’aujourd’hui. La préservation de ce trésor a pour nom «l’indépendance de la décision palestinienne», quand Yasser Arafat a succédé à Ahmed Choukeiri nommé directement par la Ligue arabe.
 ** Aller à Canossa signifie se mettre à genoux devant son adversaire et lui demander pardon.
 

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