Le sens d’une intransigeance : Gourdel sacrifié sur l’autel des intérêts géostratégiques de son pays

L’implication de la France dans les opérations militaires initiées par les Etats-Unis en Irak, et maintenant en Syrie, est telle que ses dirigeants ne pouvaient plus reculer face au chantage du groupe terroriste qui a pris en otage, puis exécuté un ressortissant français. Aucune souplesse, aucune marge n’ont été laissées par François Hollande à une possibilité de négociation secrète avec les ravisseurs pour sauver la vie d’un de ses compatriotes moyennant le paiement d’une rançon. C’est nouveau dans les pratiques politiques françaises. Qu’est-ce qui fait que le gouvernement socialiste français s’attache, depuis quelques mois, avec une telle pugnacité, à la nouvelle guerre contre le terrorisme dont le nouveau visage porte le nom de l’Etat islamique en Irak et en Syrie ? Quels sont les enjeux vitaux, pour la France, dans cet engagement offensif ? Officiellement, les Français disent avoir pris cet engagement pour faire reculer la menace terroriste que fait peser cette nébuleuse «barbare» sur la sécurité de la région, des minorités religieuses persécutées et sur la paix dans le monde. Une rhétorique qui revient dans toutes les langues, mais qui ne convainc plus personne. Car si c’était vraiment le cas, ils auraient réagi avec le même allant dès la diffusion des premières images montrant des scènes de décapitation insoutenables en Syrie, où des islamistes armés – les mêmes que l’aviation des Alliés feint de bombarder aujourd’hui – prenaient en otage des villages entiers. On se rappelle que Paris, avec encore plus de zèle que Washington, soutenait alors les actions de ces groupes armés et organisait des conférences internationales dites des «amis de la Syrie» au profit de la rébellion. Il est clair que, pour les Français, l’objectif était de suivre, à tout prix, l’orientation de la politique américaine. Seul moyen d’accéder à de nouvelles parts de marché dans ce gigantesque chantier à reconstruire qu’est le Moyen-Orient. Pour les Français, la conquête de nouveaux marchés en cette période de crise est une question d’intérêt national. D’où le consensus de la classe politique en faveur de ces interventions militaires. La France a déjà perdu un marché, en Irak, en 2003, lorsque Jacques Chirac s’était prononcé contre l’invasion de ce pays. Les dirigeants français parlent aujourd’hui d’un «mauvais choix». Il n’est pas question pour eux de rater cette nouvelle chance qui leur est offerte. En prenant la place de la Grande-Bretagne comme dauphin des Etats-Unis dans cette nouvelle «croisade», la France peut espérer en tirer des dividendes à court et à moyen termes. Des dividendes en termes d’investissements et une influence politique accrue qui lui permettrait de rasseoir son empire dans ces vieilles colonies. L’armée française a commencé à le faire au Mali, à travers l’opération «Serval» qu’elle étend maintenant à d’autres pays subsahariens. A un moment, les Français ont même commencé à échauder un plan de (ré)invasion de la Libye, qui leur aurait échappé lors de l’invasion de 2011. L’Algérie a certainement joué un rôle pour les en dissuader ; mais avec ce qui s’est passé dans notre pays, ils peuvent revenir à leur projet, sous couvert de représailles ou frappes dissuasives.
R. Mahmoudi
 

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