2014 : l’effondrement des cours du brut ou l’échec de la politique populiste du pouvoir (II)

En chargeant récemment, lors du conseil restreint, le gouvernement «d'adapter son action en préservant les équilibres vitaux» de l’Etat, le président Bouteflika confesse, sans aucun doute, pour la première fois, l’échec total de sa politique depuis son intronisation au pouvoir en 1999. Par-delà cet aveu, c’est la gestion calamiteuse des affaires du pays, près de quatre mandats présidentiels durant, qui apparaît dans toute sa splendeur. Il a suffi que les prix du pétrole, sur lesquels était bâti le pouvoir rentier en place, dégringolent sur les marchés mondiaux pour que la politique populiste d’un pouvoir en mal de légitimité et, visiblement, aussi de compétence, se heurte à la réalité implacable d’un pays qui ne vit que par le pétrole extrait et vendu, sans plus. A quelque chose malheur est bon, diront d’ailleurs certains observateurs, contents que le régime se rende à l’évidence que sa fuite en avant ne sert absolument à rien, sauf peut-être à aggraver la crise qui pointe déjà son bout de nez avec les effets que cela risque d’induire sur la stabilité du pays. L’or noir, qui a fourni durant plus d’une décennie des centaines de milliards de dollars, a commencé à flancher en juin dernier et en quelques mois il a perdu 50% de sa valeur. Et comme c’est cette ressource qui assure au pays, bon an mal an, 95% de ses recettes extérieures, cela ne pouvait rester sans conséquence sur la politique gouvernementale. Bouteflika, et avec lui tous les responsables en poste, s’est, finalement, résolu à prendre les choses en main en reconnaissant la gravité du moment, donnant, ainsi, raison aux nombreux experts qui mettaient en garde contre un tel scénario depuis bien longtemps, sans être écoutés. En réunissant les principaux responsables civils et militaires, le Président semble avoir subitement saisi la gravité des dangers qui guettent le pays comme le montre le ton des dépêches APS annonçant le contenu des discussions qui ont eu lieu lors de ce conclave. Et lorsqu’on nous annonce que le chef de l’Etat «a réuni autour de lui les principaux responsables de l'Etat, civils et militaires, pour décider ensemble de ce qu'il faut faire devant la chute actuelle des prix du pétrole», principale source de revenus extérieurs de l'Algérie, et ses «perspectives imprévisibles» sur les équilibres économiques, sociaux et sécuritaires du pays, c’est sans doute là une preuve supplémentaire que le pouvoir ne s’attendait apparemment pas à une telle éventualité, embourbé qu’il est dans ses certitudes. Après des années fastes qui nous ont submergés de centaines de milliards de dollars au point de ne point savoir quoi en faire, 2014 a constitué un point de rupture d’une brutalité insoupçonnée. Sinon, comment expliquer le ton adopté à ce propos par l’agence officielle. «Tout en se voulant rassurant sur les capacités dont dispose le pays pour continuer à fonctionner malgré cette crise sévère et inquiétante, le président Bouteflika n'a pas manqué d'imprégner ses propos d'une gravité solennelle pour mieux rappeler chacun à ses responsabilités face à la situation». C’est dire qu’il a fallu que le danger se profile à l’horizon pour que le pouvoir en place se réveille et se rend à l’évidence que rien, depuis 15 ans, n’a été fait pour protéger le pays d’un désastre. Un bilan macro-économique aussi favorable ne doit pas faire oublier que la trop grande dépendance des hydrocarbures est un risque majeur que seule la diversification de l'économie nationale peut contenir. Pourquoi avoir attendu cette chute brutale des prix du pétrole pour comprendre que finalement le salut du pays ne peut venir que du développement d’une économie forte, diversifiée et moderne ? A l’évidence, l’autisme dont a fait preuve le pouvoir en place lui a fait perdre ses propres repères. Et comme un malheur ne vient jamais seul, le mouvement de dépréciation de la monnaie nationale face aux principales devises s’est poursuivi cette année, tiré par une volonté jamais admise publiquement par les pouvoirs publics d’user de ce facteur pour tenter de freiner un tant soit peu la chute des recettes issues de la fiscalité pétrolière, en les gonflant artificiellement. Et ce n’est certainement pas la politique de l’autruche de la Banque d’Algérie qui va contribuer à arranger les choses.
Amine Sadek
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.