Les assureurs devront payer les malfaçons de l’autoroute : un autre «cadeau» pour Ali Haddad ?

Les compagnies d’assurances devront payer les fautes commises par les entreprises de réalisation de routes et d’ouvrages d’art, selon un projet de loi en cours d’élaboration par le ministère des Travaux publics. La première mouture qu’une commission de ce département s’attelle à finaliser, au plus tard fin mars 2015, suggère que l’entrepreneur, hormis une période de douze mois seulement, ne sera en aucun cas responsable des dégradations et autres défauts de réalisation en ce qui concerne notamment les infrastructures routières et autoroutières. La réglementation en vigueur stipule que la garantie assumée par l’entrepreneur, qui couvre les défauts de réalisation et les réserves émises par le maître d’ouvrage (ministère), ne s’étale que sur douze mois dès la réception provisoire du projet. Autrement dit, la collectivité nationale n’aura que des larmes pour pleurer si, par malheur, des fissures ou autres crevasses venaient à se faire jour sur une route, après 360 jours seulement de sa livraison (provisoire !) comme il est établi aujourd’hui. Des cas pareils sont légion depuis l’entrée en scène d’entreprises inexpérimentées telle l’ETRHB qui a obtenu plusieurs marchés dans ce domaine. Des sources proches du secteur des travaux publics, ayant requis l’anonymat, parlent d’«un projet de loi sur mesure», laissant entendre qu’il s’agit d’une énième faveur du gouvernement aux entreprises privées. «Qui a pris la plus grande part du morceau à part le privé ? Certes, il y a quelques entreprises qui font office de sous-traitantes, mais le plus gros bénéficiaire n’est quand même pas la Sonatro (ex-entreprise publique aujourd’hui à l’agonie)», peste un cadre du secteur à la retraite, faisant certainement allusion au Groupe Ali Haddad. D’aucuns se demandent cependant qui a bien soufflé à l’oreille du ministre des Travaux publics pour qu’une idée pareille soit soumise à débat. «La mission de Kadi est de défendre l’intérêt public et non de dédouaner l’entreprise privée. La garantie, ce n’est pas l’assurance qui doit la couvrir, mais c’est à l’entreprise de rester engagée au moins 36 mois après la livraison de l’infrastructure», s’écrie un expert, signalant qu’un concessionnaire de véhicules chinois est aujourd’hui «mieux garant» que les supposées grosses entreprises de travaux publics. «Beaucoup de revendeurs de véhicules chinois n’hésitent pas à faire bénéficier leurs clients de deux années de garantie, alors que les entreprises de TP nous font tourner trois petits tours et puis s’en vont. C’est une arnaque !» ajoute l’expert. De son côté, le vice-président de l'Union algérienne des sociétés d'assurances et de réassurances (UAR), Hassen Khelifati, ne cache pas ses appréhensions sur ce projet de loi, indiquant qu’il aurait été plus juste d’associer les assureurs au débat. «Il faut une concertation avec les professionnels, que ce soit les réassureurs internationaux ou les assureurs nationaux pour pouvoir identifier le champ d'intervention de chaque partie : les entreprises de réalisation, les bureaux d'études et les compagnies d'assurances», a souligné Khelifati à l’APS. «Dans les travaux publics, il faut d'abord connaître les causes de la dégradation des routes et identifier les cas où l'assureur devrait rembourser, comme dans les catastrophes naturelles, car l'assurance, qui ne peut être un contrat de maintenance, couvre les aléas et les accidents et non les malfaçons et les travaux mal exécutés», a-t-il ajouté.
Rafik Bahri

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