Exclusif – Dans un livre à paraître bientôt : Yves Bonnet enterre définitivement le «qui tue qui»

Yves Bonnet, ancien responsable de la DST française, donc suffisamment compétent pour observer la scène algérienne, s’apprête à publier un livre, Le berger de Touggourt, dont Algeriepatriotique a obtenu le manuscrit, où il met en lumière et dénonce les amalgames qui ont été sciemment entretenus en France sur la base de la thèse du «qui tue qui», pour rendre la situation confuse et neutraliser le mouvement de solidarité avec les Algériens engagés dans la lutte antiterroriste. Ce qui a motivé ce parfait connaisseur des réalités de notre pays, tient-il à souligner, c’est «l'indignation, le dégoût, le mépris pour des hommes qui, non contents d'être de piètres professionnels, ont oublié toute déontologie, tout respect de la vérité et de la vraisemblance». Il démonte la contradiction dans les positions de ceux qui soutenaient que le FIS avait été spolié d’une victoire électorale et en avaient fait le socle de leurs thèses favorables au terrorisme en Algérie. «Au-delà, écrit-il, de la victoire du FIS qui emporte 82% des sièges pourvus au premier tour soit 188 sur 231, bien peu d'analystes soulignent que ce score plus que flatteur a été acquis avec 26% des voix, un quart du corps électoral.» Ce sont au passage ces mêmes commentateurs qui, une vingtaine d'années plus tard, s'empresseront de «justifier» par l'abstention la déroute des partis islamistes aux élections législatives de 2011 et municipales de 2012 qu'ils avaient annoncées perdues par la majorité sortante. A travers le rappel de l’attentat commis le 13 février 1993 contre le général-major Khaled Nezzar, l’auteur démontre la détermination des terroristes à décapiter l’Etat algérien. Yves Bonnet fait remarquer que le commando islamiste qui a fait exploser une voiture piégée au passage du véhicule – «heureusement blindé», précise-t-il – du général-major a utilisé une technique identique à celles qui sont enseignées dans les centres de formation de la CIA, au Pakistan en particulier. Dans son livre richement documenté, à partir notamment de déclarations et de témoignages des acteurs les plus hauts placés dans l’institution militaire– un ouvrage appelé donc à être une référence pour ceux qui auront à travailler sur cette période douloureuse de l’histoire de notre pays–, Yves Bonnet aborde le «qui tue qui» et en explique l’essence : «A la vérité, la démarche des initiateurs du "qui tue qui" trouve sa finalité dans la recherche d'un rééquilibrage des mérites et des crimes, afin de faire reconnaître aux djihadistes la qualité de combattants et à leurs attentats sans retenue le caractère d'actes de guerre.Il s'agirait, osons la comparaison, de leur conférer l'étiquette de "résistants" avec une légitimité analogue à celle dont se prévalent les anciens combattants de l'ALN; ce faisant, ils ramènent les djounoud à la caricature qu'en donnaient dans les premières années de la rébellion les autorités français.» Parlant des chrétiens en Algérie, il fait observer que «dix-neuf d’entre eux, y compris les moines de Tibhirine, sont exécutés comme le sont, par dizaines, les imams qui ne rejoignent pas la cause de la"guerre sainte"». L’intérêt accordé par l’auteur à l’affaire des moines de Tibhirine se mesure à la place qu’il lui consacre: plus du tiers du livre en huit chapitres (sur 16). Ce n’est sans doute pas sans raison : cette affaire est symptomatique du «qui tue qui» Il veut démontrer que «le drame de Tibhirine s’inscrit dans cette litanie criminelle qu’une population subit déjà depuis des années». Il explicite le mobile qui a poussé Djamal Zitouni à enlever les moines trappistes le mercredi 27 mars 1996 : «Asseoir sa récente domination sur le secteur de Médéa.» Yves Bonnet décrit, à partir de témoignages consignés dans le dossier des services de sécurité ou cités par les médias, par le menu détail comment s’est fait l’enlèvement et le départ du monastère. Il constate qu’«on ne sait pas grand-chose des 53 jours que représente la détention des religieux». Il relève que «malheureusement, c’est bien en France que se joue le destin des otages». Pour lui, «la réalité de contacts entre les ravisseurs et quelque interlocuteur que ce soit est loin d’être établie et même hautement improbable, dans la traque du petit groupe que les forces de sécurité harcèlent sans relâche», mais admet une exception «une fois, une seule fois, un messager français a pu atteindre un des campements de Zitouni». En expert, il détruit la thèse de la «bavure» de l’armée algérienne qui aurait tiré d’un hélicoptère contre les moines. Invraisemblable, confirme-t-il. Il rappelle la conclusion de Didier Contant, ancien rédacteur en chef de l'agence Gamma, qui écrit, après deux reportages sur l’affaire des moines, que «la thèse avancée d'une machination du service algérien ne tient pas». Didier Contant mourra peu après, le 15 février 2004, d’une «chute mortelle du quatrième étage d'un immeuble». Un suicide provoqué par le harcèlement dont il fut l’objet de la part de Jean-Baptiste Rivoire comme le soutient l'hebdomadaire Marianne dirigé à l’époque par Jean-François Kahn. «Compilation de ragots et d'affabulations improuvées», c’est ainsi que Yves Bonnet traite un ouvrage paru en 2004 sous la double signature de Lounis Argoun et Jean-Baptiste Rivoire et qui a servi à Canal+ pour faire une émission «Special Investigation» sur le thème des moines de Tibhirine. Et c’est ainsi que l’ancien chef des services de renseignement français achève d’enterrer définitivement le «qui tue qui».
Kamel Moulfi

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