Bouteflika mettra-t-il à exécution ses menaces proférées contre l’opposition et la presse ?

Un passage agressif noyé au milieu d’une logorrhée lue à l’occasion de la fête de la Victoire, ce 19 mars, suscite de grandes interrogations. Si l’attaque frontale contre l’opposition et les médias qui ne s’alignent pas sur la politique du régime actuel n’est pas une nouveauté en soi, la menace à peine voilée du président de la République contre ceux qu’il considère comme «des pseudo hommes politiques soutenus par une presse qui n’a aucun souci de son éthique professionnelle» est, elle, à inscrire dans les annales de l’exercice politique dans le pays. C’est la première fois depuis son quatrième mandat, en effet, que le chef de l’Etat s’acharne avec autant de hargne contre une composante de la société, à savoir la classe politique et les médias. Le président de tous les Algériens – c’est ainsi qu’il se définit – va-t-il mettre à exécution sa menace proférée contre la CLTD et les autres mouvements politiques et organisations non gouvernementales non reconnues qui multiplient les actions de protestation depuis plusieurs mois ? Le pouvoir craint-il que le soutien apporté par cette «pseudo-opposition» aux manifestants d’In Salah contre l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste n’attise la protesta ? Bouteflika a, en tout cas, été formel dans sa commination : «Cet état de fait nous met dans l’extrême obligation d’user d’un surcroît de fermeté et de rigueur pour défendre l’Etat.» Cette mise en garde prélude-t-elle à une interdiction par la force de toute manifestation à l’avenir ? «C’est un devoir constitutionnel, légal, légitime et moral qui ne peut souffrir ni report ni dérobade», avertit-il. Parlant de la presse «qui n’a aucun souci de son éthique professionnelle», Bouteflika accuse les médias opposés à sa «réélection» de «s’évertuer, matin et soir, à effrayer et démoraliser ce peuple, à saper sa confiance dans le présent et l’avenir». Et de répondre à la place de l’opinion publique : «Ce peuple [qui] n’a pas accordé, et n’accordera pas, de crédit à leurs sornettes, ce peuple vaillant qui réprouve le mal et la déloyauté et méprise ceux qui s’y adonnent.» Le président de la République reprend, ainsi, mot à mot, les réquisitoires de son ministre de la Communication, envoyé au casse-pipe, mais sans pouvoir venir à bout de ces médias «récalcitrants» et «indisciplinés». Toutefois, la sévère mise en garde d’hier laisse présager un inquiétant durcissement voire des représailles de la part du pouvoir qui semble affolé par une montée de la colère de pans entiers de la société, qui menace le régime en place à terme. La contre-attaque d’Abdelaziz Bouteflika intervient à un moment où la situation économique du pays, jusque-là portée par un matelas financier confortable, fluctue en raison de la baisse des prix du pétrole. Une situation d’autant plus préoccupante pour le régime que le gouverneur de la Banque d’Algérie a entamé l’opération de soustraction, en avertissant que les réserves en devises du pays diminuent de jour en jour. Mais le discours de Bouteflika ne précise pas si Mohamed Laksaci faisait lui aussi partie de ceux qui «s’évertuent à effrayer et démoraliser ce peuple». Auquel cas, il faudra s’attendre à son limogeage imminent.
Karim Bouali

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