Constantine : une ville, une mémoire

Par Abderrahmane Zakad – Parler de Constantine, c’est d’abord parler de la vieille ville orgueilleusement plantée sur son rocher que Kateb Yacine appelait «Eddehma». Les écoliers ont appris que Cirta du temps de Massinissa impressionnait Rome et rayonnait sur le Bassin méditerranéen. Détruite par Maxence en 313, elle fut reconstruite par Constantin sur le modèle des villes romaines avec ses toits en tuile et des monuments qui laissent toujours les traces. Que reste-t-il de la ville antique sinon cette souika posée sur son socle rocheux et raviné tel un bijou de famille dont on ne se sépare pas. On parle de rocher comme aime l’appeler des hommes illustres. Constantine a de tout temps dominé l’arrière-pays, les plateaux et les vallées qui, au fil du temps, se sont urbanisés pour «rejeter» la vieille ville dans les limbes d’une mémoire toujours vive. L’économie et les technologies destructrices des mémoires et des identités ancestrales n’ont pu entamer la personnalité de cette ville têtue et tenace dont les vieilles pierres gardent encore les traces de civilisations successives que l’histoire a paraphées sur les murs, dans ses chroniques, dans ses archives, dans ses musées et dans l’air du temps qui passe, en interpellant les citadins pour se souvenir que leur ville avait été la capitale d’aguellids prestigieux. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de revivre le passé en empruntant les ruelles, ni scruter les murs avec les seuls yeux de la nostalgie, ni s’attarder sur les aspects dégradés d’une cité dont le destin a pris fin lors de la conquête coloniale. Ville combattante et ville martyre dont l’enfant de la cité Badreddine Mili a su dresser le portrait dans son livre La brèche et le rempart ou, également, les recherches et les écrits universitaires de la professeure Samia Benabbas qui s'était investie dans le patrimoine. Constantine mérite admiration et respect. Bien qu’ayant subi les effets dévastateurs qui se poursuivent aujourd’hui en raison des migrations massives, une urbanisation effrénée et surtout par la perte de son rang de capitale régionale, Constantine branle, bégaie, mais retrouve toujours ses assises. Beaucoup a été fait depuis l’indépendance et beaucoup reste à faire pour que la ville retrouve sa gloire et son dynamisme. Son rôle actif au XIVe siècle, durant l’époque des Hafsides et des Zianides, son poids économique et administratif pendant la colonisation, et surtout son identité et sa culture retrouvée et renforcée grâce à la guerre de Libération, et aussi à ses habitants, donnent à espérer que la ville millénaire affermira sa personnalité et sa réputation pour que l’antique Cirta rayonne de nouveau sur le Maghreb et au-delà. Les photographies, d’une grande qualité, d’un livre en cours d’édition sont pleines de sens. Les textes simples et les photos somptueuses montrent comment le talent et la sensibilité permettent d’appliquer à des sujets très différents – paysage, architecture, personnages – une vision qui ne laisse pas insensible. C’est en étudiant les photographies de ce livre que l’on redécouvre Constantine. Car ce livre met l’accent sur la ville et sur l’humain et aussi sur l’importance de ce qui avait assuré sa réputation : la culture, l’artisanat, la musique, l’habit ainsi que ses hommes et ses femmes. L’antique Cirta retrouvera-t-elle la gloire de son passé lorsque ses plaines alimentaient Rome, sa culture rayonnait sur tout l’est algérien et que l’esprit de ses illustres hommes avait consolidé l’identité du peuple algérien ? Ses habitants fiers de leur ville sauront poursuivre l’œuvre et entretenir son patrimoine mémoriel, historique et culturel.
A. Z.

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