Quatre ministres s’affranchissent de la langue de bois et attestent de la gravité de l’état de leur secteur

Une première dans les annales. Dans leurs premières sorties publiques, faites quasi simultanément, au moins quatre nouveaux ministres – Azeddine Mihoubi, Boudjema Talai, Abdelkader Ouali et Tahar Hadjar – ont fait des déclarations très distinguées, dénotant une volonté assumée de se départir des discours lénifiants qui caractérisent habituellement l’action du gouvernement, en n’hésitant pas à critiquer la situation dans laquelle se trouvent leurs secteurs respectifs et à prendre des mesures parfois radicales. C’est le cas, par exemple, du ministre de la Culture qui a ouvertement et courageusement remis en cause une tradition essentielle sur laquelle a été bâtie la politique de son département jusque-là, à savoir celle des festivals. Lors d’une réunion avec les directeurs de la culture des wilayas, tenue dimanche à Alger, Azeddine Mihoubi a dénoncé la mauvaise gestion, notamment les dépenses farfelues destinées à des manifestations culturelles, sans grands résultats. Le ministre a insisté sur l'impératif de «revoir» le planning des festivals et projets culturels futurs en vue d'une «conception rationnelle», susceptible de remédier à la situation anarchique qui a prévalu dans ce secteur, avec les déballages scandaleux qui ont émaillé l’organisation de certaines grandes manifestations internationales, telles que «Constantine, capitale de la culture arabe 2015». Deux mesures importantes ont été annoncées sur le coup : rationnaliser les dépenses allouées aux projets culturels et espacer l’organisation des festivals. Sur le même ton insurgé, le ministre des Transports, Boudjema Talai, s’est, lui, montré tout simplement furieux contre la situation qui règne à Air Algérie, et surtout contre les mauvaises prestations assurées à sa clientèle. Dans une déclaration faite le même jour, il a parlé d’une compagnie «malade» qui «doit réapprendre tout, jusqu'à comment organiser un vol. C'est désastreux», a-t-il fulminé. Le ministre est allé plus loin dans son sermon, en s’adressant au personnel de la compagnie en ces termes : «Si vous continuez à faire les choses de cette manière, le pavillon national va disparaître !» Pour remédier à cette situation, Talai promet un «plan de restructuration» urgent, lequel risque néanmoins de susciter des remous dans cette société longtemps pilotée selon un mode de gestion jugé anachronique par ses propres cadres. Plus exaspéré est le langage utilisé par le ministre des Travaux publics, Abdelkader Ouali, contre des cadres de son secteur en charge de la réalisation du contournement du tunnel de Djebel El-Ouahch, à Constantine, qu’il n’a pas hésité à traiter en public de «menteurs» et d’«incompétents». En guise de réponse, il a, lui aussi, promis de «sévir» dans les prochains jours. Sur la même lignée, le ministre de l’Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, jette un pavé dans la mare, en reconnaissant l’«échec du système LMD en Algérie», longtemps dénoncé par les étudiants, tout en dénonçant l’absence de coordination entre l’administration et les enseignants. Ce nouveau ton emprunté par les trois ministres fraîchement installés peut trouver une explication dans la nouvelle approche adoptée par le gouvernement qui, par la voie du Premier ministre, avait annoncé au lendemain du dernier remaniement des mois difficiles à cause de la chute des prix du baril et a appelé, en conséquence, à plus de rigueur dans la gestion des affaires publiques et à un plan d’austérité. Les membres du gouvernement sont également appelés à redorer le blason d’un pouvoir discrédité par les niveaux atteints par la corruption et de la gabegie dans le pays, à l’orée d’une nouvelle ère qui s’annonce précaire et incertaine. Mais n’est-ce pas trop tard ?
R. Mahmoudi
 

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