Réponse à Ferhat Mehenni suite à sa lettre à Hollande

Par Farid Azeb – Tout d'abord, je ne suis militant d'aucun parti politique. Ceci pour ceux qui auront envie de me coller une étiquette partisane. En tant qu’Amazigh, Kabyle et Algérien, et surtout fier de l’être, je me sens interpellé par votre lettre ouverte au président de la République française, Monsieur François Hollande.

Par Farid Azeb – Tout d'abord, je ne suis militant d'aucun parti politique. Ceci pour ceux qui auront envie de me coller une étiquette partisane. En tant qu’Amazigh, Kabyle et Algérien, et surtout fier de l’être, je me sens interpellé par votre lettre ouverte au président de la République française, Monsieur François Hollande.
Bokhus ou Bocus, beau-père de Jugurtha, nous a légué à travers les siècles «el-bokhsa» en trahissant ce dernier et en démolissant à jamais l'empire numide et l'union des Berbères si durement construits par Massinissa et défendus par Jugurtha. Et je suis enclin à devenir superstitieux à cause de ce malheureux évènement historique. En effet, depuis cet évènement, les Amazighs se sont séparés, aux quatre vents. Et ils n'ont jamais pu se mettre d'accord ne serait ce qu'à titre temporaire, pour s'unir et défendre sous la même bannière leur culture et leur identité sur leur propre terre. Massinissa, en plus de sa célèbre réplique «l'Afrique aux Africains» nous a légué un autre adage à travers les siècles et qui est encore d'actualité aujourd'hui. Il avait dit : «anga tufid amazigh itsru, ahsu degmas itiwten», ce qui veut dire littéralement : «Là où tu trouves un Amazigh en train de pleurer, sache que c'est son frère qui l'a frappé».
J'avais énormément de respect pour vous et votre militantisme ; avec les chansons de feu Maatoub et d'autres, les vôtres ont contribué à ma prise de conscience effective de notre condition à l'époque où j'étais jeune lycéen. Et vous étiez l'un de nos repères jusqu’en 1989.
Pourquoi 1989 ? Tout simplement l’avènement du multipartisme et les dernières assises du MCB à Yakouren. Là encore, pourquoi ? Eh bien! Depuis l'indépendance à 89, tous les Kabyles se reconnaissaient dans la plateforme de 1979 du FFS. Jusque-là, les sacrifices de la Kabylie ont porté leurs fruits. De l'Akfadou au Djurdjura, des Zibans et au mont Chenoua jusqu'aux confins de l'Ahaggar, tous les Amazighs d’Algérie commençaient à joindre leur voix à celle de la Kabylie et même les régions dites arabophones commençaient à prendre conscience que le combat était celui de tous les Algériens. Aussi, avec la création du RCD à laquelle vous avez si ardemment contribué ainsi que la mise à mort du MCB par la création de clones creux de celui-ci, vous aviez contribué à la division des Kabyles tout d'abord et des Amazighs algériens ensuite. Ce serait une insulte à votre intelligence que de croire que vous n'êtes pas conscient qu'avec vos amis et alliés de l'époque, vous aviez participé à la mise à mort du MCB et à la tentative de mise à mort du FFS qui n'a survécu que grâce à la dimension de ses fondateurs et, par conséquent, vous aviez été l'un des acteurs de la division de la Kabylie qui persiste encore de nos jours. Tout comme vous, j'ai milité pour la reconnaissance de ma langue et de mon identité. Et tout comme vous, j'ai été arrêté comme «meneur» et tout comme vous, j'ai été victime d'injustice. Par ailleurs, au jour d'aujourd'hui, je continue à subir l'injustice dans un tout autre domaine. Ma vie est un chaos quotidien. Je nage à contre-courant et le suicide, la folie et même l'idée de prendre les armes pour me faire justice submergent mon esprit. Mais la résignation ou l'insulte et l'invective ne l'ont jamais effleuré. Deux choses me remettent les pieds sur terre. Mes enfants et mes rêves.
Oui, Monsieur Mehenni, j'ai du mal à garder la tête hors de l'eau et surtout à garder toute ma lucidité, mais je n'ai pas perdu la faculté de rêver. Je rêve de justice tout court, d'un Etat de droit pour mes enfants et tous les enfants algériens où tout serait basé sur le mérite. Je rêve d'une école aux standards internationaux qui ne prenne pas nos enfants comme des cobayes de laboratoire et qui en forme une élite. Je rêve d'une Algérie en paix et prospère qui ne pousse pas ses enfants à la révolte et/ou à l'exil. Je rêve de l'Algérien démocrate débarrassé à jamais de l'image du citoyen assisté et servile. Et, surtout, combattant acharné de l'arbitraire. Je rêve de l’Algérien qui se réapproprie son identité plurielle et sa culture, son patriotisme et sa dignité et qu'il en soit fier. Je rêve…
Et si le président de la République, Monsieur Bouteflika, se décidait à proclamer tamazight langue officielle puisqu'elle a déjà le statut de langue nationale, n'en déplaise aux islamistes, aux troublions de tous bords et aux anarchistes, il vous déposséderait de votre cheval de bataille et de votre soi-disant raison d’exister et quelles que soient les fautes qu'on lui reproche, il en sera absous par son entrée dans la grande Histoire. Encore un rêve ?
Enfin, l’Algérie, du nord au sud, de l'est à l'ouest, restera une et indivisible. Et tous les Algériens, Kabyles, Arabes, Chaouias, Mozabites, Touareg…, y veilleront jusqu'à la dernière goutte de leur sang et cela est une certitude. En outre, l’état des choses actuellement ne peut incomber au seul président de la République ni à son gouvernement, encore moins à ses généraux. Le peuple endosse la plus grande part de responsabilité dans ce qui se passe dans notre chère patrie. Même Dieu nous incite à changer notre état. Ou je me trompe ?
Par conséquent, votre lettre ouverte au président de la République française est nulle et non avenue, d'autant plus que vous ne pouvez duper personne à moins que ce ne soit un petit coup de pub pour vous rappeler au souvenir de ceux qui vous ont déjà désavoué et aux yeux desquels vous voulez vous racheter une nouvelle virginité. Et sachez que même si l’Algérien est oublieux, il y a des couleuvres qui ne passent pas. Remettez les pieds sur terre et œuvrez, plutôt, à la réparation de vos erreurs politiques au lieu de continuer dans la fuite en avant et reconnaissez que ni Hollande, ni Obama, ni Poutine, ni personne ne lèvera son petit doigt pour un peuple même en voie d'extermination à moins que leurs intérêts économiques et/ou géostratégiques ne soient en jeu, et encore ! Cela ne servira que de prétexte. Voyez ce qui se passe en Irak, en Syrie, en Tunisie, en Egypte et en Libye pour ne citer que ceux-là.
Sur ce, à bon entendeur…
F. A.

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