Repenser la communication institutionnelle

Par Kamel Sidi-Saïd – Dans le contexte d’une mondialisation toujours porteuse d’incertitudes économiques et géopolitiques majeures, dans un monde bouleversé par une succession de crises, un monde en proie au doute, la communication devient incontournable, car communiquer c’est agir et agir c’est aussi communiquer. Aujourd’hui, il s’agit de réussir sa communication institutionnelle qui est un exercice complexe pour un pays comme l’Algérie, d’ailleurs, cette problématique a été soulevée au plus haut niveau de l’Etat, il y a unanimité au niveau du sérail sur la faiblesse de notre communication institutionnelle. Ce n’est pas à coup d’irruptions médiatiques souvent calibrées qu’on change des images qui souvent sont peu reluisantes, c’est plutôt avec une véritable stratégie de communication pertinente qu’on peut sortir enfin des sentiers battus. A l’instar de nombreux pays, l’Algérie évolue dans un environnement crisogène et le manque de communication à tous les niveaux aura des répercussions négatives, et dans le délicat et ô combien important exercice de la communication tout est question de stratégie et d’équilibre, savoir trouver le bon dosage. Les gouvernants doivent intégrer le facteur temps dans leurs logiciels, car en communication le sésame le plus précieux est le temps, réagir vingt-quatre heures ou plus après un événement qui a fait le tour de la planète n’a plus aucun sens, le puissant marketing de la rumeur et autres réseaux sociaux sont déjà passés par là ; que les uns et les autres comprennent une bonne fois pour toutes qu’en communication c’est comme à la guerre, celui qui tire le premier atteint son objectif. Quand on perd la bataille de la communication, on s’aliène une bonne partie de l’opinion, dans le monde moderne, l’hyper-visibilité est devenue une nécessité absolue, une façon de maintenir le lien avec une opinion qui est à la fois relativement détachée de la vie politique et en même temps plus exigeante envers ses gouvernants, chose qu’a bien assimilé notre ANP qui, aujourd’hui, communique utile et juste ; oui, la grande muette est l’institution qui a parfaitement saisi les enjeux d’une visibilité permanente. Aujourd’hui, exister médiatiquement pour une institution ou un homme politique, c’est d’abord surfer en permanence sur l’événement et l’actualité, savoir utiliser cette actualité pour dialoguer avec les Algériens, montrer qu’on est sensible à leurs émotions et qu’on les partage, et sur ce plan encore une fois l’ANP est bien en avance sur les autres institutions. Aujourd’hui, il y a une volonté politique de changer la donne, il y a une forte envie au niveau des gouvernants de remettre la communication à sa véritable place, espérons que cette envie de communiquer ne retombe pas aussi vite qu’elle est montée. Pendant longtemps, on a confondu communication et pédagogie, on a trop fait dans la pédagogie au détriment de la communication. Il est temps de se mettre au diapason et pour ce faire, il est primordial de redéfinir les attributs des communicants qui officient au niveau des différentes institutions, notamment les plus importantes. Il est regrettable de déplorer la marginalisation des structures de communication au niveau de l’ensemble des institutions, d’ailleurs, il faut saluer l’initiative du ministre de la Communication, Hamid Grine, qui a réuni les responsables de communication des différentes structures étatiques (une première), le ministre devrait aussi se pencher sur leurs souffrances et leurs frustrations, car il est difficile de travailler dans une institution dont le premier responsable ne comprend pas l’importance de la communication et qui laisse souvent son communicant dans l’impasse. Le communicant doit être à l’aise, il doit être en contact permanent avec le premier responsable, il y a des chargés de communication qui ont rencontré le premier responsable d’une institution (ministère par exemple) que deux fois, lors des cérémonies de son arrivée et de son départ, est-ce logique ? Si on veut faire évoluer les choses dans ce domaine stratégique, il faut que le communicant ait un accès direct au plus haut responsable en temps réel et en fonction de l’actualité, que cette personne soit libre de dire non lorsque la stratégie de communication de son chef va droit dans le mur, que c’est lui qui doit initier la stratégie de communication de l’institution et non l’inverse ; il faut que les gouvernants comprennent qu’un communicant qui fait dans l’idolâtrie ne sert à rien, ce communicant doit être aussi la personne la plus accessible et la plus affable de l’institution dans laquelle il officie, c’est à lui qu’on attribue le rôle d’airbag ; c’est lui qui doit relayer les premières réactions, c’est lui le super-lobbyiste de l’institution, il est vrai qu’il difficile pour un communicant de faire son job lorsque son chef est isolé par les courtisans…
Une communication politique adaptée est possible et elle est à notre portée pour peu qu’on sorte de cette improvisation qui l’impacte négativement, communiquer de façon à être entendu et compris n’est pas inné, c’est une qualité qui se perfectionne, pour être entendu, il faut marquer les esprits et ainsi rendre une ligne politique limpide, le poids des mots est important pour éviter les mots qui claquent comme une insulte. Aujourd’hui, on est à l’ère des technologies de l’information et de la communication, une information fait le tour de la planète en une minute à travers une diffusion sur les réseaux sociaux et les médias électroniques. La technologie a brisé l’isolement, elle abat les frontières, ainsi, Internet est un prodigieux outil de diffusion de l’information au même titre que les médias traditionnels, car médias et politiques professent souvent une même certitude, on vit l’ère de la «peoplisation» de la politique où les états d’âme du dirigeant deviennent non seulement une matière première pour la presse, mais également un fait politique en tant que tel. Il est grand temps de comprendre que la limite entre la communication et la politique est très étroite, parfois même inexistante, lorsqu’un politique communique, il pose un acte politique qui en même temps est un acte de communication. Communiquer c’est aussi une façon de faire briller son aura, de travailler son charisme, car il en faut pour s’imposer devant un public qui n’a pas toujours envie de vous écouter et de vous voir. Le pays doit relever bien des défis et il a besoin de blinder son image, de renforcer son aura afin de consolider ce qu’il faut consolider comme acquis et surtout impulser une nouvelle dimension, et ceci n’est possible qu’on repensant une communication institutionnelle souvent chaotique, car le manque de communication a eu des impacts négatifs, pourquoi cette communication a souvent été défaillante ? Par manque de temps ? De volonté ? Peur des couacs ? En réalité, il y a eu toujours cette méfiance envers la communication, avec cette hantise permanente des couacs, car prendre la parole est courageux, il est souvent plus facile de se taire. Les temps ont changé, il faut sortir de cette logique et le plus vite sera le mieux pour affronter un monde dans lequel il n’y a pas un jour sans crise, pas un jour sans alerte, car lorsqu’il y a le silence des mots se réveille la violence des maux.
K. S.-S.
Consultant et membre du think tank Care

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