Une contribution de Luc Michel – Le chaos grec annonce l’échec de l’UE comme projet politique

Le chaos grec démontre que les formations populistes ne représentent pas une alternative à gauche comme à droite. Parce qu'elles restent intrinsèquement des formations du système (de la droite ou de la gauche du système) et pas contre ce système, dirigées par des créatures du système, francs-maçons comme ceux de Syriza ou du FdG français, ou millionnaires comme les Le Pen et cie). Ce chaos est le résultat non seulement de la corruption de la «particratie» grecque, mais surtout de l'égoïsme de Berlin et Bruxelles. Il débouche sur la misère du peuple et même la menace néofasciste (Aube dorée). A noter que la politique atlantiste appuyée par Berlin et Bruxelles en Ukraine a donné les mêmes épouvantables résultats, y compris là bas la réalité d'un néofascisme (Praviy Sektor et Svoboda, lié au FN jusqu'en 2013) associé au pouvoir de la junte de Kiev (via les ministères de forces et la Garde nationale). Athènes et Kiev ne sont pas des erreurs de casting politique, mais bien le résultat d'une politique erronée conduite aveuglément.
Une imposture nommée Tsipras
Tsipras, politicien rusé et habile, n’est pas le parangon de «démocratie» vanté par ses partisans de gauche ou Marine Le Pen. Il aurait été cet homme modèle s’il avait accepté la main tendue par Poutine (ça aurait été un séisme géopolitique) et s’il avait respecté les résultats du référendum grec… Mais qu’a fait Tsipras en bon politicien du système ? Il s’est fait tout d’abord élire, avec Syriza, en janvier 2015, en promettant n'importe quoi (et on comprend donc immédiatement l’empathie de Marine Le Pen, autre pro de «l’attrape-tout»). Il a ensuite fait tout le contraire de ses promesses électorales, dès le début du gouvernement Syriza. Il a ensuite organisé le référendum populaire de juillet 2015, manipulant une opinion publique grecque et mondiale qui voyait là la réappropriation du pouvoir par le peuple contre les oligarchies politico-financières de Bruxelles, Berlin et New York … Et comme en janvier, il n’a tenu aucun compte des résultats du référendum, a pris des positions strictement inverses et a signé un accord validant des mesures entièrement opposées aux promesses électorales de Syriza et au résultat du référendum ! Ce sont maintenant des élections anticipées, simplement pour prendre de vitesse l’aile non opportuniste de Syriza qui a fait scission, et rester au pouvoir.
Le référendum reste l’arme populaire par excellence
De tout cela, il restera l’idée du référendum, instrument premier de la démocratie directe, comme arme du retour au véritable pouvoir du peuple. Trahi par Tsipras, nié par Bruxelles, où l’on hait l’idée même du référendum de la Crimée à la Grèce, mais qui inspire désormais les masses en colère. En Afrique, notamment, dans la lutte contre le colonialisme économico-financier du franc CFA, imposé par Paris dans l’ancien «pré carré français», cette Françafrique toujours bien vivante. A la question posée par les journalistes du Nouvel Observateur : «A quoi aura servi le référendum finalement ?», Yanis Varoufakis, le flamboyant et tout impuissant ex-ministre grec des Finances, répond : «Pour la Grèce, il n’aura servi à rien. Il n’a pas aidé le gouvernement. Il n’a pas non plus aidé le peuple qui a voté "Non". Le peuple a été abandonné et trahi. Et pourtant, à cette occasion, les peuples européens ont vu qu’il pouvait y avoir des citoyens fiers qui refusaient les chantages et ne se faisaient pas manipuler par leurs médias. Les Grecs ont montré l’exemple aux autres peuples européens. Mais le leadership politique grec, moi y compris, n’a pas su capter cette résistance populaire et la transformer en une force pour mettre fin à l’autoritarisme et l’absurdité du système.»
L’UE a tué l’idée européenne à Bruxelles
La CEE puis l'UE ont été construites sur le double principe de la solidarité et de la subsidiarité, et leur politique extérieure sur la pierre angulaire de la paix en Europe («plus jamais de guerre entre Européens»). Du bombardement de Belgrade en 1999 (première capitale européenne bombardée depuis 1945) au dépeçage de la Yougoslavie, de la politique dite du «partenariat oriental» (cheval de Troie de l'Otan à l'Est) à la confrontation agressive avec Moscou, des diktats de Mme Merkel au protectorat sur la Grèce (certains dénonçant avec raison un «coup d’Etat» de l’Union européenne), l'UE a débouché sur un échec global. Il sera définitif. L'UE n'est plus un projet émancipateur pour le continent européen. Etouffement des peuples, soumission à la finance mondiale et vassalisation aux Etats-Unis (que s'apprête à consacrer le «traité transatlantique»), l'Europe occidentale reste un marché néocolonial organisé au profit des intérêts géopolitiques et économiques de Washington. Les trente dernières années ont été des années totalement perdues pour l'UE. Le chaos grec, si révélateur du chaos ouest-européen annoncé, n'est ici que le symptôme du mal, un bouton de fièvre qui précède la maladie.
L. M.
 

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