La ruralisation de nos villes

Par Mohamed Benallal – Les clefs de l'urbanisme sont dans les quatre fonctions : habiter, travailler, se recréer (dans les heures libres) et circuler. Citation.

Par Mohamed Benallal – Les clefs de l'urbanisme sont dans les quatre fonctions : habiter, travailler, se recréer (dans les heures libres) et circuler. Citation.
Une panoplie de lois, de règles et de théories réglementaires se rapportant au domaine urbanistique de la cité existent réellement dans les fonds des tiroirs de nos institutions exécutives et au fond du grenier de notre Etat, mais que les responsables méconnaissent par leurs déficience, incapacité et ignorance, sinon par incompétence. Devant cet état de fait, la tricherie et la resquille, l’incivisme et la défectuosité, le gain facile et enfin le laxisme et le gaspillage, tous ces actes inappropriés et d’agissements impunis, se sont enracinés pour se transformer en une culture fatale, funeste et mauvaise. Dans tous les pays du monde, des déviations aux règles de l’urbanisme existent certainement. Seulement, dans les pays où l’Etat de droit prime révérencieusement et les responsables intègres se font valoir par leur savoir avant la mise en œuvre de leur pouvoir, dans la transparence, ces infractions ne sont pas tolérés, elles sont sanctionnées pour que l’ordre, la rigueur, la discipline, la révérence, l’organisation, le respect de la règle, le respect de la chose, la notion du temps et la culture embellissent le cadre de vie du citoyen dans la cité. Dans nos villes en général et à Beni Saf en particulier (exemple type), on note le désordre, le laxisme, l’indiscipline et l’impunité pour tout ce qui a trait avec l’urbanisme en l’absence de suivi, de régulation et de contrôle. La police d’urbanisme est une structure réglementaire apathique et amorphe (non prise au sérieux par les responsables inconscients), elle est faite plus pour la figuration, elle se trouve dépassée et piétinée par un environnement administratif, social, économique où la loi et la règle de l’art n’ont plus de sens, ni de valeur, ni de respect, d’où l’impunité érigée en vice (nouvelle culture). Les lois et règlements sont éludés par des «épaulés» et ceux qui ont le «bras long», les «beni aamistes» ou «si flen et feltane, le «Monsieur quelqu’un», «khanez be drahem», les affairistes, le «quelqu’un» qui est sûr de lui : «takal ala nafsah». Cette situation (attitude, comportements) a amené forcément une usurpation à grande échelle de biens (terrains) communaux ou domaniaux. Ce constat patent se produit dans des quartiers distincts de la ville de Beni Saf (toujours illustration à titre d’exemple), les autres villes ne font certainement pas exception. Certes, l’exode rural pendant la décennie noire est pour quelque chose dans le trop plein humain, mais ce n’est pas une raison pour chambarder les règles du jeu urbanistique.
«Les rues doivent être différenciées selon leurs destinations : rues d'habitation, rues de promenade, rues de transit, voies maîtresses…» Citation.
Des constructions illicites, anarchiques , déstructurées, inorganisées, non programmées et imprévues poussent comme des champignons, occupant même de vastes espaces, d’autres accaparent dans leur voisinage, au détriment de toutes règles de l’art et du respect, une parcelle encore plus vaste pour étendre sans aucune autorisation leur nouvelle propriété, le titre de propriété sera ensuite revendiqué et pris en charge par les «épaulés» sus- cités qui se chargeront de la régularisation suivant la nouvelle procédure de la loi 15/08. Beni Saf connaît un nouvel urbanisme informel ou une bidonvilisation naissante induits par l’absence de suivi et de contrôle du foncier de la ville, le fichier foncier de la ville n’ayant jamais été constitué.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur les constructions «made in people», qui sont hideuses, affreuses, désolantes et dégradables, elles reflètent l'image sincère des médiocres occupants et des institutions concernées qui érigent le laxisme en règle (el bled machya hakada !). C’est certain, chacun se permet d’être libre à sa façon, d'évaluer l'état des lieux et d'établir le résultat qui lui semble le plus approprié, tout cela en contradiction avec les normes urbanistiques sinon aux règles de la cité. Dans des bâtiments surtout sociaux, chaque locataire ou propriétaire met son empreinte hideuse et modificatrice par interposition de grillages pour singes, de parpaings en vrac, briques réfractaires, d’aluminium et tant pis pour la norme, l’esthétique et la règle de l’art, «la beauté ne se mange pas en salade». Je fais ce que bon me semble et au détriment de cette société muette, immorale et passive. Ces modifications de façade ne nécessitent dans l’état actuel point d’autorisations réglementaires, l’autorité locale est quasiment absente, celle (autorité) d’un degré plus haut dira : «Cachez-moi cela que je ne saurai voir», celle d’encore plus haut avancera que ce n’est pas de sa faute, c’est la faute à la base et ainsi va la vie, de la ville, de la cité qui se transformera petit à petit à une «dachra». D’autre part, une fenêtre de façade, par un jour béni, cette fenêtre redevient un garage qui, ensuite, enfante un commerce, c’est une aubaine, mais aussi un fond générateur de rente au détriment de l’urbanisme et du cadre de vie. Hier, on insultait la planification du système socialiste, aujourd’hui, on bénit le désordre du système de la «bazardisation», car la loi est représentée par Monsieur «Flen» qui autorise tout ce qui est malsain. C’est devenu un mythe de la culture urbaine en Algérie (dachra) ou plus exactement la ruralisation de la cité semblable à un bocage.
Le concept de la culture urbaine est une nouvelle théorie sociologique qui est chargée de les étudier. Par culture urbaine on entend tout un système de normes et de valeurs, de comportements urbains, d’opinions, d’attitudes citadines que nos cités sont en train de perdre une à une à une vitesse vertigineuse, la moralisation de nos villes se déprécie de jour en jour et la cité devient douar ou cité rurale implantée pour chasser la ville et sa culture. L’histoire de l’humanité fait suite à un passage des sociétés rurales aux sociétés urbaines sous l’impulsion des transformations, de la pensée, de la culture, au niveau de la densité, de l’homogénéité du groupe et sa dimension où l’urbanisation se confond aujourd’hui avec la modernisation, progrès oblige ! Nos cités prennent la tangente inverse. A Beni Saf, plus particulièrement avec un constat effectif. Le passage se fait dans le contresens (de la ville vers dachra !) ; la ville a perdu tout repère, la pensée de la vie en groupe, en société et celle du voisin est quasiment absente du lexique cérébral «algé-rien» ; le particulier devient sujet libre pour toute modification non réglementaire, laissant la place aux mouvements anarchiques, laissant en place une dégradation sociale (nouvelles mœurs), patrimoniale (dégradation du patrimoine public), environnementale (saleté et pollution) et urbanistique (tag ala mane tag !) qui n’est pas digne d’une ville, pardon, du douar ou plus exactement d’un bocage. On fait encore pipi sur les murs ou plus encore dans des bouteilles en plastique, le sachet bleu peut contenir les excréments humains à défaut de toilettes publiques, les gens de la plage du Puits vous diront ce qu’ils ressentent comme désagrément de ces tares, je parle d’odeurs nauséabondes. Depuis l’année 1970, on a eu de dizaines de ministres s’occupant de l’habitat, qui se sont alternés, ils avaient un seul et unique programme, celui de combien de logements devrions-nous construire, sans jamais penser à la qualité de vie et surtout à la culture de la cité, et ce, dans le sens de l’urbanisation. Des villes dortoirs à la merci des occupants, sans aucun contrôle de la part de la police de l’urbanisme et de la protection de l’environnement pour veiller au contexte du site et au cadre de vie. Conséquence : naissance de la «bidonvilisation» dans la périphérie des grandes villes telles qu’Oran, Alger et Constantine. Certes, l’Etat possède les meilleures lois (du copier-coller certainement) qui puissent exister dans le monde, mais les mauvais hommes (incompétents) qui ne sont pas à leur place ne savent même pas que ces lois existent, et comment devront-elles être mises en œuvre. Tout est fait à contresens, ce n’est qu’après la réalisation des projets d’habitations que l’on pense à l’étude de faisabilité dans le sens le plus large, y compris environnemental et culturel. Les enquêtes de commodo et d’incommodo servant à faire la part des choses entre les avantages et les inconvénients de la culture du projet ne sont pas prises en considération. Elles permettront de constituer un plan d’occupation suivi d’un cahier des charges définissant bien les droits et obligations. Nous remarquons, toujours à Beni Saf, un kiosque informel, mitoyen à l’entrée d’une école primaire. Ce kiosque a été transformé par son occupant en une construction de deux niveaux. Et les mauvais exemples sont nombreux pour ne citer que la rue ou l’avenue qui font cohabiter le médecin, le gargotier occupant le trottoir, le cabinet d’avocat, le tôlier, le vulcanisateur et le marchand ambulant fixe ! Les gargotiers cuisinent sur les trottoirs publics. Devant l’école Ibn-Rochd, en plein centre-ville, des marchands ambulants de légumes perturbent l’entrée et la sortie des élèves ! Des tracteurs circulent sur l’avenue principale de la ville, en l’absence d’un plan de circulation digne de la cité. La poste du centre-ville de Beni Saf est cernée par de vendeurs ambulants, des vendeurs informels de fruits et légumes, de vaisselle et de quincaillerie, des taxis… A Beni Saf, également, le squattage de certains centres de santé, les locaux commerciaux du Président, les ex-bureaux de la commune sans parler des terrains et même des évents du boulevard de la plage du Puits. Nos responsables de l’APC ne connaissent pas à ce jour le patrimoine immobilier communal, ni même mobilier, bien que la loi, les décrets, les arrêtés et les circulaires existent dans le sens de faire une obligation de leurs inventaires, de leur gestion et de leur entretien. Les mauvaises gestion et gouvernance font que la ville plonge dans la déliquescence et se rapproche plus d’une dachra-douar où le carnaval d’inculture est permissif. La sociologie urbaine, la manière dont la société en général fonctionne, la gestion de la ville par les pouvoirs locaux – comment ils façonnent le destin des individus si on peut ainsi dire – n’est pas prise en considération, pouvoir de l’argent mal acquis ! Les responsables locaux élus et administratifs sont pleinement responsables de cette situation.
M. B.

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