Le kairos de l’Algérie

Par Care(*) – A nos yeux, la situation financière difficile que traverse le pays devrait être l’occasion d’engager les réformes structurelles qui ont été longtemps retardées jusqu’ici. Ces réformes sont nécessaires et indispensables quand bien même le baril de pétrole devrait retrouver demain son niveau des 100 dollars. Le problème de notre économie, c’est sans doute bien celui de la contrainte financière qui pèse sur le budget et sur les comptes extérieurs ; mais, avant cela, c’est surtout celui des retards de notre système de production, de l’insuffisance et de l’inefficacité de nos investissements productifs et, comme chacun le dit, celui de notre excessive dépendance à l’égard des marchés mondiaux des hydrocarbures. Le gouvernement a raison de dire que l’enjeu d’aujourd’hui, c’est de maintenir un taux de croissance significatif, de créer des emplois et de maintenir la cohésion sociale. Mais sans un programme ambitieux de réformes structurelles de notre système économique, les mesures prises ne feront que retarder un peu plus les échéances dures qui nous attendent. Ces réformes, tout le monde les connaît. A Care, nous avions contribué, il y a de cela quelques années, à dessiner les éléments d’un pacte économique et social devant servir de base à la réorganisation de notre système économique ; celui-ci avait été adopté officiellement, mais son contenu a été malheureusement perdu de vue. Ce document est toujours d’actualité et Care se félicite qu’il ait été placé au cœur de la dernière tripartite. Nous pouvons répéter aujourd’hui et encore une fois que notre pays a besoin de réformes immédiates de son climat des affaires. Il a besoin d’une simplification considérable des procédures à l’investissement, à commencer par la suppression de ce visa préalable du CNI et incluant une position plus ouverte vis-à-vis des IDE. Il y a urgence à réaffirmer un cap clair et sans nuances vers l’insertion franche de notre économie dans les chaînes de valeur mondiales. Nous avons besoin de remettre à niveau notre système financier et bancaire dont les experts de notre pays sont unanimes à dire que ses performances sont très en deçà de nos attentes. Enfin, nous avons besoin que nos différentes administrations économiques travaillent en cohérence les unes avec les autres et qu’elles se mettent réellement au service de l’entreprise, comme cela est le cas dans l’ensemble des économies concurrentes, dans la région qui est la nôtre. Les résolutions de toutes les tripartites tenues jusque-là ont moins besoin d’être rappelées qu’elles n’ont besoin d’être mises en œuvre et traduites dans la pratique. Notre souhait, à Care, c’est que notre gouvernement saisisse cette crise financière qui nous frappe comme une opportunité pour dépasser l’obstacle des résistances qui ont jusqu’ici freiné les réformes de notre économie et qui ont pour résultat de retarder sa nécessaire diversification. Il y a deux mesures emblématiques qui pourraient être retenues dans ce sens :
– procéder de toute urgence à un choc de simplification qui touche l’environnement économique et administratif des entreprises. La simplification devrait couvrir un premier paquet de mesures concernant l’investissement, la fiscalité, le secteur bancaire, la gestion portuaire, le foncier, la création d’entreprises, l’information économique, etc. Nous sommes prêts, à Care, à aider à identifier la nature précise de ces mesures ;
– abolir la distinction, sinon la discrimination, qui règne toujours dans les politiques publiques vis-à-vis du secteur public par rapport au secteur privé. L’engagement devrait être celui d’ouvrir de manière organisée, mais effective aux investisseurs privés nationaux l’ensemble des secteurs d’activité économique qui leur sont aujourd’hui fermés et qui, paradoxalement, sont ouverts aux investisseurs étrangers. Les secteurs principalement concernés sont ceux des banques et assurances, de l’audiovisuel, du transport maritime, du transport aérien, de la pétrochimie et de toutes les activités en aval des hydrocarbures, etc.
Au sein de Care, nous continuons de croire que la diaspora algérienne est «notre autre pétrole» et que trop peu est fait de la part des pouvoirs publics à l’attention de cette population. Toutes les études et tous les spécialistes de la question s’accordent à dire qu’un lien puissant avec sa diaspora a un impact positif mesurable sur la croissance d’un pays.
Qu’attendons-nous ?
C’est avec beaucoup de satisfaction que nous avons enregistré lors du discours du Premier ministre, et de ses diverses interventions, l’existence d’une vision Algérie 2030 qui guide la politique économique actuelle du gouvernement. A Care, nos membres demeurent en effet très inquiets quant aux perspectives qui seront celles de l’économie algérienne à cet horizon et nous voudrions, en même temps que de nombreux citoyens, être rassurés quant au fait que nos autorités prennent au sérieux les échéances difficiles qui résulteront inévitablement de l’accroissement des besoins sociaux de notre population en même temps que du déclin annoncé de nos exportations d’hydrocarbures. A nos yeux, une vision Algérie 2030 n’a de signification et de réelle portée que lorsqu’elle est partagée avec les principaux acteurs économiques et sociaux du pays. Elle a besoin d’être exposée et présentée publiquement, et de réunir autour d’elle le consensus nécessaire pour créer la confiance entre les acteurs concernés et produire l’effet fédérateur autour d’elle. Un tel résultat serait d’un impact majeur sur l’image de l’Algérie et sa crédibilité vis-à-vis des institutions internationales et de tous les investisseurs potentiels. Plusieurs sujets et non des moindres furent absents de cette tripartite et nous ne pouvons que le déplorer. Il aurait été tellement utile d’aborder de front des questions aussi fondamentales que :
– le financement des infrastructures : entre les partisans du tout Etat et ceux des solutions créatives faisant appel à de l’endettement extérieur, il est certain que l’implication du secteur privé et la sensibilisation des syndicats auraient pu aider à rapprocher les points de vue ;
– l’apport des TIC à la modernisation de nos administrations et au développement de l’offre des services modernes indispensables aux performances de nos entreprises ;
– la préparation des conditions nécessaires pour garantir le développement d’alternatives durables aux énergies fossiles et la promotion de solutions techniques plus économes en énergie dans tous les secteurs d’activité ;
– la mise en place d’une politique commerciale extérieure en ligne avec les intérêts à long terme du développement économique de notre pays et qui cesse d’être tiraillé en permanence entre les tenants d’un commerce extérieur administré et ceux d’une libéralisation commerciale débridée.
Le kairos, dans la Grèce antique, était le temps de l’occasion opportune… Nous y sommes.
Care
(*) Club d’action et de réflexion autour de l’entreprise

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