Situation tendue dans le pays : comme si tout était fait pour préparer un autre 5 Octobre

Un rapide tour d’horizon de l’actualité à travers le tableau fourni par les médias suffit pour constater une tension extrême dans la situation nationale dans tous ses segments. Au plan politique, ce qui s'est passé à l'APN est unique dans les annales de cette institution qui n’a jamais connu un tel dérapage. Les officiels ont eu beau minimiser ce fait gravissime, en le réduisant aux effets de la liberté d’expression et d’opinion, il n’en reste pas moins qu’il traduit une rupture dans la classe politique du «système», comme on l’appelle, qui a toujours été marquée par un consensus qui faisait que les joutes oratoires entre les différents acteurs avaient l’air d’un jeu parfaitement orchestré sur la base d’un partage des rôles qui laissait l’impression de satisfaire tout le monde. Cette fois, en prenant d’assaut la tribune de l’APN et en organisant une marche à l’intérieur de l’hémicycle, une action amplifiée par sa forte médiatisation, les députés des partis de l’opposition ont paru lancer à l’opinion un message signifiant qu’ils n’acceptaient plus de jouer le jeu du «système» et que les choses allaient commencer maintenant à devenir vraiment sérieuses. Hors espace parlementaire et politique, mardi, ce sont des milliers de travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) de la zone industrielle de Rouiba (banlieue d’Alger), qui sont sortis dans la rue pour protester contre le retard dans le paiement de leurs salaires. Ils ont été brutalement réprimés par les forces de l’ordre, entraînant une quinzaine de blessés parmi les manifestants. Intervenue dans le contexte du vote par l’APN de la loi de finances pour 2016, jugée antisociale, cette répression a été interprétée comme une volonté politique de museler toute expression chez les travailleurs. Or, les revendications légitimes des travailleurs de la SNVI ne sont pas limitées au retard de salaires, mais concernent aussi l’intérêt du pays puisqu’ils protestent également contre la tentative d’étouffement de ce joyau de l’industrie nationale, le complexe de la SNVI, qui est privé de commandes, y compris celles découlant de la fameuse préférence nationale que doit accorder l’Etat aux entreprises algériennes, de surcroît publiques, c'est-à-dire appartenant à ce même Etat. Au lieu d’engager un dialogue avec ces travailleurs, on leur envoie les forces de l’ordre. Hier, mercredi, c’est à Bouzaréah, à l’université, que des affrontements ont éclaté entre, cette fois, étudiants et forces de l’ordre, avec là aussi des blessés, pour des revendications pédagogiques qu’un simple dialogue aurait permis de résoudre. Pour des raisons radicalement différentes, la localité de Dergana (banlieue est d’Alger), a connu une émeute qui a conduit à des échauffourées entre les forces de l’ordre et des jeunes qui voulaient empêcher la démolition de plusieurs constructions et locaux érigés illicitement par le secteur de l’informel. Cette agitation politique, syndicale et sociale se déroule dans un contexte plein d’ingrédients de tension fournis par une situation économique et financière difficile et sur un fond contradictoire de sorties bruyantes et insolentes de Saïdani et du silence assourdissant du pouvoir, avec absence totale du Président. L’atmosphère est alourdie par les trois affaires de généraux : le général Abdelkader Aït Ouarabi dit Hassan (condamné à 5 ans de prison), le général-major Djamel Lakehal Medjdoub, ex-chef de la garde présidentielle (condamné à trois ans de prison), et le général à la retraite Hocine Benhadid (en détention). C’est comme si tout était fait pour préparer un autre 5 Octobre.
Houari Achouri
 

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