Qu’attend la France pour restituer les restes d’Algériens conservés dans un musée à Paris ?

Des restes mortuaires d’une trentaine de résistants algériens à la colonisation française durant le XIXe siècle, dont ceux de chefs insurrectionnels à l’image de Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek dit Chérif Boubaghla (l’homme à la mule) ou de Cheikh Bouziane (chef de la révolte des Zaatcha), ceux de son compagnon Moussa El-Derkaoui ou de Si M’Barek Ben Allal, le lieutenant de l’Emir Abdelkader, sont conservés dans le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris, lit-on dans une correspondance adressée à Algeriepatriotique par un de nos lecteurs qui connaît parfaitement cette lourde affaire. Elle fait partie du contentieux entre l’Algérie et la France, entraîné par l’occupation coloniale de notre pays et la longue résistance opiniâtre des Algériens jusqu’à la reconquête de l’indépendance nationale. La question à propos du rapatriement de ces restes est-elle posée aux interlocuteurs français à l’occasion des entretiens bilatéraux ? On ne le sait pas et on ne connaît donc pas aussi la réponse des responsables français. Ce sujet, à la fois bouleversant et digne d’intérêt parce que témoignant de la barbarie et de l’inhumanité des colonisateurs, interpelle les deux pays. Sans doute plus, comme le souligne notre lecteur, que la restitution du canon de Baba Merzoug. Beaucoup de gens, chez nous, ignorent tout de cette affaire mise à jour, en avril 2011, par un chercheur algérien, spécialiste de l’histoire antique et de l’épigraphie libyque et phénicienne, Ali Farid Belkadi. On apprend que ces restes, «dons, pour l’essentiel, de particuliers anonymes ou des collections de l’école anthropologique de Paris, ont été acheminés au Muséum de Paris depuis 1874, soit quelques années après la révolte des Zaatcha, en 1849». «La conservation de ces restes humains dans ces conditions est choquante», s’est offusqué l’historien français Gilles Manceron, estimant que «si l’Algérie demande officiellement leur restitution, celle-ci devrait se faire». Il souligne que pareille «collection» renseigne sur les «mentalités coloniales de l’époque qui niaient l’humanité même de ceux que la France qualifiait d’indigènes». Pour lui, «si la France veut rompre avec ce passé, le rapatriement de ces restes, de manière officielle, digne et ostensible, s’impose. Ce serait même une bonne occasion d’exprimer cette volonté». Selon notre correspondant, le directeur des collections aux MNHN, Philippe Mennecier, a affirmé la «disponibilité» du Musée à restituer ces restes, pourvu que la «démarche en la matière soit respectée». «La direction du Musée n’en tire aucune fierté. Nous avons tout intérêt à restituer ces restes, à condition qu’on en formule la demande, soit de l’Etat algérien ou des descendants dûment reconnus», a-t-il indiqué. Mais il a affirmé n’avoir «jamais reçu de demande dans ce sens», sauf une «récente requête d’un descendant de Si M’Barek Ben Allal, le lieutenant de l’Emir Abdelkader, introduite en son nom par un historien français». «Depuis, selon lui, personne ne s’est manifesté pour récupérer une collection qui est devenue encombrante, au fil des ans.» Pour l’historien Tramor Quemeneur, la restitution des restes mortuaires des Algériens conservés au MNHN représenterait un «geste symbolique fort du gouvernement français dans le sens de relations bilatérales basées sur l’égalité et non sur une relation inégalitaire entre l’ancienne puissance colonisatrice et les anciens colonisés considérés comme inférieurs ».
Houari Achouri
 

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